Entre bon plan et impact, il va falloir choisir !

Par François GALVIN  •   Publié le mardi 21 novembre 2023
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Entre bon plan et impact, il va falloir choisir !

 

C’est un sujet de fond qui tiraille nos sociétés démocratiques modernes. Qui pourtant est crucial pour notre avenir en tant qu’être humain sur la planète. Ce sujet nous touche parce que nous sommes libres, libres de choisir les produits que l’on achète, libres de choisir ses représentants politiques, libres de choisir également la manière que l’on a de placer son épargne. Si nous n’étions pas libres, la question ne se poserait même pas !

 

Une prise de conscience nécessaire

 

Face aux enjeux environnementaux, j’observe de plus en plus souvent une négation de cette liberté, vécue comme une culpabilisation, au profit d’une désignation de quelques coupables aisément identifiables. Le représentant politique (surtout si l’on n’a pas voté pour lui), l’industriel ou l’institution financière gérant son épargne pour reprendre les champs de liberté précités.

 

Il y a deux manières de lire cette négation : 

  • Pour des individus honnêtes et qui font le maximum possible, c’est être confronté à l’altérité. Le fait que nous ne sommes qu’un (petit) maillon de ce qui constitue une société. Et que seul, on peut être découragé du faible impact que l’on a, surtout si d’énormes sacrifices individuels ont été consentis. Les efforts sont ressentis comme asymétriques.
  • Pour d’autres, ce sera plus une fuite en avant pour ne pas regarder en face sa propre façon de vivre et son inadéquation avec l’avenir souhaité. Il est probable que ce soit d’ailleurs parfois un mélange des deux !

 

Dans tous les cas, on est confronté à un refus de comprendre la complexité qui fait nos sociétés « libres », les tenants et aboutissants qui les façonnent. L’exemple politique est le plus parlant. Lors des trois dernières élections présidentielles, le thème majeur préoccupant la majorité des électeurs était le pouvoir d’achat. Quand on sait l’extrême contradiction qu’il y a entre le pouvoir d’achat et l’évolution de nos modes de vie pour les rendre viables, difficile de reprocher à un politique de ne pas en faire assez sur ce dernier sujet !

 

L’impossible conciliation

 

Mais loin d’avoir une scission de la population « prise en compte de l’impact de nos modes de vie » vs « consommer plus », de nombreuses personnes voudraient encore concilier les deux. Ce qui semble physiquement impossible. Donc il y a tout de même une part non-négligeable d’hypocrisie, favorisée par quelques acteurs, qu’ils soient politiques ou économiques. 

 

Pour bien mettre en lumière cette contradiction au niveau des enjeux, une étude récente (2022) du site parlonsclimat.fr intitulée « Environnement, crise climatique : l’opinion des Français au-delà des clichés », montre que « 85% des Français s’inquiètent du changement climatique et de la dégradation de l’environnement », ainsi que « Pour 70% des Français, notre modèle économique actuel est incompatible avec la lutte contre le changement climatique ». En complément, « 73% des Français jugent la sobriété souhaitable pour lutter contre le changement climatique, et 72% veulent en faire davantage au quotidien dans cette lutte ». Si ces statistiques ont été abondamment relayées, notamment par des acteurs économiques se présentant comme solution à la problématique environnementale, une autre n’a pas été mise en avant, alors qu’elle me semble beaucoup plus parlante et problématique puisque contradictoire avec les éléments avancés au-dessus : « La question du pouvoir d’achat constitue un enjeu à concilier avec la transition écologique : s’ils devaient choisir, 45% des Français pensent que la question du coût de la vie doit être traitée en priorité, quitte à avancer moins vite sur l’écologie. »

 

Donc il y a à minima 18% des sondés qui jugent la sobriété souhaitable, souhaitent en faire davantage, mais pensent que le pouvoir d’achat est prioritaire sur l’écologie … une belle incohérence. L’étude va plus loin puisque les freins à l’action sont abordés. Et avec comme réponse « 70% des Français déclarent qu’ils n’ont pas les moyens financiers pour agir à leur niveau » ou encore, « 63% de sondés ont souvent l’impression de se trouver face à des exigences difficiles à concilier pour agir pour l’environnement, perception provenant certainement, en partie, des injonctions contradictoires et autres tentations auxquelles nous sommes tous soumis. »

 

Prise de conscience, oui, y compris d’une nécessité de consommer moins, mais mise en pratique, majoritairement non. Si nous étions globalement (entreprises, politiques, …) plus clairs sur la contradiction, peut-être que ces « injonctions » paraitraient moins contradictoires, même si le message n’est pas facile à entendre.

 

Radicalisation vs indécision

 

En conséquence, nous assistons à une frange « impact » de la population qui s’extrémise, voyant dans ses efforts un coup d’épée dans l’eau, et appelant à la coercition comme solution. Si je ne peux changer mes semblables, autant les forcer (ou variante, si je n’arrive pas à m’auto-réguler, autant que l’on me force, sans forcément avoir conscience des conséquences sur ma vie). Et une frange climatosceptique, se faisant chantre de la liberté pour l’occasion, souhaitant continuer le bonhomme de chemin (qui n’est plus viable) de l’humanité sans se poser de question. Toujours relativement à l’étude citée, sur ce dernier point, « 30% des Français ne se sentent pas à leur place au sein du mouvement en faveur de l’environnement et de l’écologie ».

 

Mais au milieu de tout cela, il reste une part majoritaire de la population, forcément un peu perdue entre contraintes économiques, recherche de meilleures conditions de vie, et responsabilité vis-à-vis du futur de l’humanité. Une frange pas toujours cohérente au milieu des différentes injonctions, qui va préférentiellement soutenir qu’agir, y compris des actions de militants radicalisés ne les impactant pas directement, mais agissant à l’encontre de l’Etat de droit. Une incitation passive à la violence donc, et une manière de se sentir utile sans pour autant changer son mode de vie, mais également un appel indirect à moins de liberté, plutôt que d’essayer de changer les règles du jeu de manière démocratique.

 

La responsabilité, la clé pour conserver la liberté !

 

Si l’on souhaite conserver notre liberté, il va falloir l’utiliser autrement. Nos sociétés (en France surtout) ont érigé des barrières contre l’incertitude : la sécurité. Ce faisant, on a l’illusion que tout dépend d’autres acteurs, et sans forcément remettre en question notre liberté, cela affecte grandement une valeur qui se doit d’être corollaire de la liberté dans toute société : la responsabilité. Sans responsabilité dans l’utilisation évoquée en préambule de notre liberté, nous la perdrons très probablement. Car le fonctionnement aujourd’hui des « marchés » de l’information extrémise et polarise les avis, masque la complexité et nous éloigne des débats constructifs qui sont nécessaires à la bonne appréhension de ces problématiques complexes. On occulte la responsabilité en sacrifiant la liberté à l’autel de l’impact ou inversement. Alors que si l’on veut à la fois concilier liberté et impact, il faut utiliser notre liberté de manière responsable pour générer l’impact. C’est le seul chemin possible si l’on veut que les générations futures aient un monde vivable et libre.

 

Le constat est là, et le choix reste à notre main (pour le moment …) : entre impact et bon plan, il va falloir choisir. L’objet est donc d’amener les lecteurs confrontés à cette contradiction à faire un choix. De replacer leur responsabilité en tant qu’individu, consommateur, investisseur, citoyen, au centre du « jeu ». Et en l’état actuel des connaissances, l’utilisation de notre liberté de manière responsable pour conserver un monde vivable et libre impliquerait d’accepter une diminution de notre niveau de vie en faveur de l’impact.

 

Anticiper pour changer

 

J’ai initialement pensé à cet article en observant encore aujourd’hui de nombreuses communications promotionnelles mettant en avant les « bons plans ». Avec la connaissance que l’on a aujourd’hui de la finitude des ressources, du fait que dans l’histoire de l’humanité notre niveau de vie n’a jamais été si élevé, je me suis dit qu’il y avait un problème clair auquel nous ne sommes majoritairement pas confrontés : il va falloir faire avec « moins » dans les 30 années à venir. Moins de ressources primaires, moins d’énergie, … . Difficile dans ce contexte de vouloir faire plus !

 

L’idée, au contraire de vouloir faire plus, est d’anticiper cette raréfaction des ressources afin de faire mieux et de sauvegarder un maximum de ce que l’on peut conserver de nos sociétés libres et prospères. Pour faire en sorte que la prochaine génération puisse simplement « vivre », probablement pas comme nous, mais avoir accès aux soins, à l’éducation, à un monde en paix relative, … Loin des préoccupations très terre à terre de pouvoir d’achat.

 

Nous connaissons aujourd’hui assez bien l’impact de notre consommation, les produits à éviter si l’on veut avoir plus d’impact (viande rouge, …), le superflu qui n’existera probablement plus dans 30 ans (voyages récréatifs en avion, …), tout cela faisant partie du « pouvoir d’achat » que beaucoup souhaitent conserver ou développer. 

 

Et l’épargne dans tout ça ?

 

Etudions plus en détail le champ de l’épargne sous cet éclairage. Car en investissement comme en consommation, bon plan et impact ne vont (généralement) pas de pair. Si les secteurs vers lesquels les flux financiers devraient être dirigés sont connus (travail du PTEF ou l’ADEME), force est de constater que le fléchage n’est pas encore très optimal, loin s’en faut. Et surtout, que tous les investissements cruciaux ont une contrepartie pour être viables : accepter une moindre rémunération afin de ne pas faire supporter aux acteurs déployant ces capitaux une pression trop importante. Une pression qui est déjà présente du fait de la moindre efficacité de leurs solutions vis à vis de celles dépendantes des énergies carbonées.

 

Pour mieux comprendre cet aspect, je vous propose deux étapes : un petit récapitulatif de ce qui existe à ce jour en épargne traditionnelle (et pose problème), puis un développement de ce qui pourrait être fait pour améliorer la situation.

 

L’état des lieux

 

La finance traditionnelle a été conçue de telle manière à optimiser le rapport rendement / risque pour l’investisseur, grâce à des formules mathématiques complexes. Donc on a déjà, dans la conception même des fonds d’investissements, un biais méthodologique qui vise le rendement (le « bon plan » financier). Ensuite, un certain nombre de méthodes (critères ESG, labels, …) viennent s’y ajouter afin de « verdir » les fonds d’investissement, mais pas changer les règles régissant le fonctionnement des fonds. En outre, certains labels tels que Greenfin présentent des biais méthodologiques, excluant par exemple les industries nucléaires, alors même que ce sont ces industries dans le domaine énergétique qui nécessitent le plus d’investissement d’ici 2050 (montants + délais de construction des réacteurs) pour optimiser les chances de vivre dans un monde décarboné. Et je suis toujours surpris de voir des intermédiaires en placement présentant leur sélection de fonds verts, usant et abusant de cet argument marketing, sans jamais aligner ce sujet ni les entreprises composant les fonds proposés, sur les secteurs nécessitant beaucoup de capitaux. Ainsi, on retrouve dans ces fonds des ténors mondiaux tels que Coca-Cola, Disney, … dont on voit assez mal en quoi placer des fonds chez eux est utile pour construire un futur viable.

 

Quelles alternatives ?

 

Si l’on regarde en dehors du cadre de la gestion collective, visant cette optimisation du rapport rendement risque, même en y ajoutant des critères environnementaux, il existe des alternatives.

 

Mais ce type d’investissement présente plus de risque et une promesse de rendement moindre. Il s’agit principalement d’investissements en « deal by deal », non mutualisés, ou investissant dans des actifs naturels générant intrinsèquement moins de rendement. Dans les solutions accessibles à ce jour afin de rendre son épargne utile, nous avons : 

  • Les actions cotées de sociétés œuvrant dans « le bon sens », en fonction de sa sensibilité, des pure player ou des holdings. Leurs activités étant en général bien développées, cette approche nécessite de se plonger dans les documents et informations relatives à leurs activités. Ce qui peut prendre du temps mais est très intéressant afin de construire un portefeuille en adéquation avec ses valeurs.
  • Les actions de jeunes sociétés accessibles via des plateformes de crowdfunding, qui requièrent des capitaux afin de permettre l’émergence des technologies qui seront nécessaires dans un monde décarboné, mais présentent un très fort risque de faillite, ces technologies n’étant pas encore viabilisées. 
  • Des actifs réels, type forestiers ou agricoles. Ces actifs, souvent illiquides, ne sont pas éligibles aux supports d’investissement de type assurance vie ou PEA, et ne sont donc pas proposés par les courtiers en assurance par exemple. Si l’on parle rendement, il est généralement faible et le risque, relativement élevé, surtout compte tenu de la faible liquidité de ces solutions.

 

Voilà pour les quelques solutions alternatives qui peuvent aujourd’hui améliorer le fléchage des flux financier. Mais il en reste beaucoup à inventer et développer, notamment la modification des règles de gestion financière plus traditionnelles pour faire primer l’utilité des entreprises financées sur le rendement et le risque. De privilégier l’impact aux bons plans dans l’épargne en somme, ou à minima de rééquilibrer la proposition de valeur de l’industrie financière vers plus d’impact (et souvent moins de rendement). 

 

Si l’on veut rendre son épargne réellement utile, il va falloir choisir et accepter un plus grand risque pour un moindre rendement ! Un dogme de la finance traditionnelle renversée 😉

 

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