Le marché
Ah le marché ! On l’entend, on le lit, on le voit partout et servi à toutes les sauces.
Tantôt le mal absolu, qui pousserait à l’individualisme et au délitement de nos sociétés, tantôt une force surnaturelle qui explique tout événement économique (et pourrait nous sauver de nous-même, pauvres mortels !), le marché est une notion abstraite dont l’utilisation recouvre différentes significations. Et du coup, souvent source d’incompréhension.
Bon, avant d’aller plus loin dans l’utilisation qui est faite de la notion de marché, revenons-en aux bases.
Qu’est-ce que le marché ?
Vous voyez les étals de fruits et légumes en bas de chez vous ? Et bien, c’est ça ! Rien de plus ni de moins si ce n’est que le marché, ce lieu de rencontre entre des acheteurs et des vendeurs, ne prend pas forcément une forme physique aujourd’hui. Les technologies de l’information permettent en effet aux marchés de prendre des formes virtuelles à notre époque. Mais leur fonction est la même que les marchés depuis l’antiquité : mettre en relations acheteurs et vendeurs d’une catégorie de biens ou de services.
Qu’il s’agisse de légumes, de viande, de meubles, de vêtements, d’énergie, de devises, d’actions, d’obligations ou de crypto-monnaies, toute catégorie de bien ou de service dispose de son ou plutôt de ses marchés. Puisque le monde est vaste et interconnecté, il ne peut pas y avoir un seul marché aux légumes ! Donc les marchés se scindent en types de biens ou services, mais également selon leurs zones géographiques.
C’est là la fonction de base d’un marché, autrement appelée « place de marché » ou marketplace, pour la différentier des autres usages de cette notion, que nous allons développer juste après !
Le marché dans la presse
Venons en plus en détail à leur utilisation la plus commune (avant de s’orienter vers leur utilisation dans le monde des idées), dans les médias, qu’ils soient économiques ou non. Au-delà du lieu de rencontre, la notion de marché s’utilise beaucoup comme une synthèse des échanges qui ont lieu sur un marché. Vous pouvez régulièrement entendre ou lire que « le marché a baissé* ». Souvent pas très explicite, car le marché n’est pas toujours défini (marché au sens développé ci-dessus), mais c’est surtout son utilisation abstraite qui rend cette petite phrase pas très claire. En effet, comment un lieu d’échange peut-il monter ou baisser ?
C’est donc ici le seconde sens du marché, qui signifie cette fois-ci l’évolution des prix sur le marché, qui elle-même résulte de l’ensemble des échanges (entre acheteurs et vendeurs, entre offre et demande). Donc quand on lit, "le marché a monté* ", c’est un raccourci abstrait pour dire : les prix sur ce marché ont monté. C’est là le premier niveau d’abstraction de la notion. Le second vient du fait que ce ne sont pas tous les prix qui augmentent. Si l’on reprend le parallèle avec le marché aux légumes et que l’on y lit que le marché a monté, cela ne signifie pas que le prix de tous les légumes a monté. Mais que l’on a fait la synthèse de l’évolution de l’ensemble des prix des tous les légumes vendus sur le marché par rapport à la veille, que l’on pondère en fonction de la quantité de légumes (pour que l’évolution du Pak Choi ne soit pas plus représentative que celle de la Patate), et que cette synthèse à « monté » par rapport à la même synthèse effectuée la veille. Je me rends compte en écrivant de la complexité à expliquer cette notion qui est tellement utilisée qu’elle paraîtrait simple, mais qui en réalité est complexe et abstraite.
Donc la notion de marché recouvre à la fois la synthèse des prix des différents produits ou services échangés sur le marché et leurs variations (l’évolution des marchés). En ce sens, les marchés sont utilisés comme un thermomètre de l’économie. Ils permettent d’avoir une vue synthétique sans avoir à rentrer dans le détail des échanges.
Il y a des marchés pour tout, permettant un suivi simple des tous les pans de l’activité économique. Il y a même un marché de « l’argent », incarné par les taux d’emprunt des Etats et grandes institutions financières.
Un point de vue historique
Les échanges entre les êtres humains étant le fondement de l’histoire de l’humanité depuis notre sédentarisation, et le nombre des échanges ayant explosé avec la mondialisation et l’interconnexion croissante permise par les révolutions techniques, nous ne pourrions pas suivre l’évolution de l’activité humaine en l’absence d’une notion comme le marché. Ni sans une notion comme les prix, permise par la monnaie, et étroitement liée à la notion de marché.
Sous cet angle de vue, le marché représente une mesure synthétique de l’ensemble des interactions entre les êtres humains. Tout du moins, de l’ensemble des interactions marchandes, qui recouvrent une grande partie des interactions humaines (mais pas les seules, bien évidemment !).
Le marché est donc le représentant simple d’une infinité d’interactions entre les êtres humains. Un peu comme une vision macro de très nombreux comportements individuels. Si l’on zoom sur un marché, on accède à la vision micro, c’est-à-dire le comportement individuel des parties-prenantes du marché observé.
Et c’est là toute son utilité dans le monde des idées, principalement en économie, où le marché est le point de départ de nombreuses théories. Le but étant de s’abstraire du comportement individuel pour comprendre de manière globale le fonctionnement d’un système complexe d’interactions entre êtres humains. Un peu comme un organisme vivant.
Le marché dans le monde des idées
En plus de l’économie, le marché il prend également une place importante dans la sociologie ainsi que dans la philosophie.
Cette notion peut s’utiliser de deux manières : une manière descriptive (on observe plus simplement les évolutions des activités humaines, comme vu au-dessus) ou normative (on utilise les marchés comme sujet d’étude pour établir des théories et prescrire des politiques économiques).
Si l’utilisation descriptive et son utilité ne fait généralement pas débat, l’utilisation normative est au cœur de nombreux différents entre économistes, sociologues et philosophes. Des débats sur le fond déjà, les deux grands courants de pensée économique se clivant entre interventionnistes et non-interventionnistes. Les premiers considérant qu’il faut une régulation des échanges par des institutions telles que les Etats, les seconds considérant que les marchés s’auto-régulent et que toute intervention extérieure est néfaste.
Les économistes néo-classiques pensent en effet que si la concurrence au sein d’un marché est « pure et parfaite », le marché atteint l’équilibre, c’est-à-dire que les prix et quantité échangées sont optimales pour tous les acteurs. L’action de l’Etat devrait donc se limiter à instaurer les conditions qui permettent à la concurrence au sein des marchés d’être « pure et parfaite ». À l’extrême opposé, nous avons les théories communistes qui considèrent que tout marché ne doit pas être libre mais organisé par une entité centrale, l’Etat, condition sine qua non de l’équilibre sur un marché. Et entre les deux visions extrêmes, nous avons tout le spectre de la pensée économique (actuelle ou passée) qui se décline en nuances d’interventions et de régulations sur les marchés.
Le philosophe et le sociologue utiliseront le marché d’une autre manière, miroir de la pensée économique. Si les économistes prescrivent une plus grande intervention de l’Etat dans l’économie, c’est qu’ils considèrent, en termes philosophiques et sociologiques, que les individus qui composent la société sont moins à même de prendre les meilleures décisions pour la société que les quelques individus qui les gouverne. De l’autre côté, que le cumul des actions individuelles non coordonnées donne les meilleurs résultats pour la société. Collectivisme vs individualisme en somme. Parallèle du schisme Communisme / Libéralisme en économie.
Vous l’aurez compris, il n’y a pas de vérité absolue dans ce domaine qui anime les débats d’idées sur le fonctionnement des sociétés depuis des millénaires. Mais l’impact des idées relatives la notion de marché devient très concret lorsqu’elles sont utilisées à des fins politiques, et à fortiori lorsque ces idées sont extrêmes, dans un sens ou l’autre. En témoigne les expériences communistes du siècle dernier, qui ont débouché sur des drames humains de grande ampleur. Ou les périodes libéralisme sauvage « forcé » par des gouvernements dictatoriaux, qui aboutissent au même résultat.
Toujours est-il que cette simple notion de marché a un impact indirect extrêmement puissant sur nos vies, et il est important de comprendre pourquoi.
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