Le mythe du rééquilibrage des ETF

Par François GALVIN  •   Publié le jeudi 11 janvier 2024
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Le rééquilibrage automatique des ETF serait-il la solution permettant à l’investisseur de protéger ses investissements contre les risques de sous-performance d’une ou plusieurs entreprises de l’indice répliqué ?

 

Présenté comme une solution à la fois plus efficace, moins risquée et plus rentable que le stock picking, le rééquilibrage automatique des ETF permet, à échéance trimestrielle, de sortir du fonds les entreprises les moins performantes, et d’intégrer celles qui le sont devenu. Ainsi, l’ETF serait parfaitement efficace pour éviter les mauvais investissements et sélectionner les bons, sans rien avoir à faire.

 

Plus encore, si l’on y regarde à moyen ou long terme, dans un contexte économique incertain voir décroissant, ce mécanisme pourrait permettre de conserver la performance qui serait globalement baissière, en intégrant à l’ETF les quelques « gagnants » de la situation, excluant les « perdants ».

 

Mais penchons-nous en détail sur le fonctionnement des rééquilibrages trimestriels des portefeuilles ETF avec quelques cas pratiques. Car en sortant les entreprises les moins performantes, l’ETF acte la moins-value de l’entreprise en question, et la remplace par une ayant réalisé comparativement une plus-value, ou ayant stagné ou moins baissé (dans un contexte décroissant). À supposer que la tendance soit stable sur le trimestre suivant, l’opération pourrait être intéressante. 

 

Trois éléments doivent cependant être soulignés afin de bien appréhender le fonctionnement du rééquilibrage automatique trimestriel et son impact sur le rendement potentiel de l’ETF :

 

 

A. L’univers de référence (l’indice) :

 

Ce premier point peut paraitre anecdotique, mais un ETF fonctionne sur la base d’un indice de référence. C’est cet indice qui détermine quelles entreprises peuvent ou non faire partie de l’actif du fonds. La plupart du temps, les ETF répliquent les grands indices, à échelle nationale ou continentale, et donc les capitalisations les plus élevées. Pour l’indice cac40, par exemple, la plus petite capitalisation est d’environ 7 milliards d’euros. Ce qui implique que la taille d’un potentiel « gagnant » intégrant l’indice et donc la composition de l’ETF est substantielle, excluant de facto des success stories non encore avérées. Vous me direz, c’est normal, le CAC40 n’étant pas censé représenter les mid ou small cap, prétendant si leur activité se confirme à rejoindre un jour le CAC40. Mais il n’empêche que cela élude toute possibilité de performance très importante liée à une entreprise disruptive.

 

Autre point lié à l’univers de référence, sa concentration. Si l’on regarde cette fois ci l’indice MSCI SRI USA, représentant les entreprises supposément les plus vertueuses en matière ESG des grands indices américains, on observe une très forte concentration. Avec certaines entreprises comme Tesla, Coca-Cola ou Nvidia représentant entre 4 et 5% de l’actif chacune. Des entreprises qui sont très chères au regard de leur bénéfice, et dont le potentiel pourrait ne pas se réaliser. Ces mêmes entreprises ne faisaient pas partie de l’indice il y a quelques années, et ce sont plus leurs perspectives (potentielles) qui les ont amenées à ces niveaux de valorisation que leurs performances financières actuelles. Si elles ne confirmaient pas, et sortaient de l’indice par rééquilibrage, l’impact sur la performance de l’ETF en serait d’autant plus grand qu’elles pèsent lourd à ce jour dans l’actif du fonds. Les piètres performances boursières d’une de ces entreprises, comme par exemple Tesla au début de l’année 2023, impactent d’ailleurs beaucoup les performances des ETF répliquant cet indice. 

 

Dans un contexte de plus en plus incertain, ne pas avoir la possibilité de saisir des opportunités naissantes couplées à une concentration sur de très grandes capitalisations rendant dépendantes la performance de l’indice à quelques entreprises ne semble donc pas un avantage. 

 

 

B. Des rééquilibrages qui ne s’effectuent le plus souvent que « par le bas » :

 

Hors indice « intermédiaire » (type Cac next20 pour lequel il n’existe pas d’ETF) ou small cap, les rééquilibrages ne se font que « par le bas ». C’est-à-dire qu’aucune entreprise « gagnante » de l’ETF ne peut sortir, et qu’il ne peut s’agir que de « perdantes ». Dit autrement, cela revient systématiquement à acter des pertes, jamais des gains. Pour reprendre l’exemple du MSCI SRI USA ci-dessus, Tesla ne pourra sortir de l’indice que si sa capitalisation fond de manière notable. Actant au passage une perte sur cette ligne investie compte tenu du moment où elle y est entrée, ou vis-à-vis de sa valorisation antérieure. Un fonds géré activement aurait déjà pu céder tout ou partie des actions détenues, actant au passage une belle plus-value au regard de la cherté de l’action. Ici, ce n’est pas possible. Donc chaque rééquilibrage acte d’une certaine panière une perte, qu’elle soit absolue (prix de revente < prix d’achat) ou relative (prix de revente < valorisation antérieure de l’entreprise). Or, lorsque l’on investit en actions, il n’est généralement pas conseillé d’acter ses pertes, surtout que l’objectif doit être de long terme. Le temps est censé lisser les performances possibles, en partie liées à la psychologie des investisseurs, et ne revendre « en perte » que s’il y a une évolution notable dans la stratégie ou l’environnement de l’entreprise rendant difficile voir impossible l’atteinte des objectifs fixés. En pratique, ce n’est pas tant cet élément que des facteurs psychologiques, qui expliquent les évolutions des cours, du moins à court terme … 

 

 

C. La temporalité des rééquilibrages :

 

C’est probablement l’élément le plus notable. Car le fait que les rééquilibrages s’effectuent trimestriellement à date fixe ne protège pas du tout contre les chocs externes (ou internes d’ailleurs) sur les entreprises investies. Ces chocs qui amènent subitement les perspectives de l’entreprise à changer, et les cours de bourse à chuter. Le cours d’une entreprise peut mettre des années à monter, à mesure que les résultats financiers deviennent tangibles, et une semaine à chuter drastiquement. Et c’est là le plus gros risque qui est pris par l’investisseur lorsqu’il achète des actions : que l’information dont il dispose sur l’entreprise ne soit pas exacte, qu’elle omette des faits importants, ou qu’un élément extérieur viennent remettre en cause toute la stratégie. C’est ce que j’appelle ici choc externe (qui peut d’ailleurs être interne mais non public). Pour les chocs internes, c’est le plus souvent des fraudes comptables, et l’histoire boursière en regorge malheureusement. Mais ça peut également être un fonctionnement masqué tel que dans le cas du scandale Orpea. Aucun investisseur ne soupçonnait ce qu’il se passait à l’intérieur de l’entreprise avant les enquêtes de journalistes. Lorsque le choc survient, dans le cas d’Orpea, la cours de bourse chute, mais il reste du temps à l’investisseur pour sortir. Du temps, mais pas forcément un trimestre … d’autres chocs sont beaucoup plus brutaux encore, et le rééquilibrage trimestriel à date fixe ne protège absolument pas l’investisseur contre ces événements. Et donc suite à un événement de ce type, c’est la double peine pour l’investisseur en ETF, puisque l’entreprise sera le plus souvent sortie de l’indice, actant une perte, et remplacée par une autre qui pourrait être exposée au même risque ultérieurement. À cet égard, la gestion active permet une réaction plus rapide des gérants.

 

En fait, s’agissant de la temporalité, plus les évolutions à la hausse comme à la baisse (la volatilité) sont importantes, moins le rééquilibrage est efficace. Puisque cet élément expliqué à la baisse ci-dessus vaut aussi à la hausse, même s’il est moins fréquent qu’une grande entreprise voit sa capitalisation multipliée par trois en une semaine !

 

 

Résumons un peu ce que l’on vient de voir

 

Le fonctionnement des ETF et le système des rééquilibrages trimestriels sont en fait un formidable mécanisme pour suivre les grandes tendances. Tant que la volatilité est assez faible, ils fonctionnent très bien (et même mieux que les fonds gérés activement). Par contre, lorsque les investisseurs et leur psychologie s’emballent, là, ils ne permettent ni de profiter pleinement des opportunités, ni de se protéger efficacement contre les accidents.

 

 

Mais qu'en serait-il en cas de baisse durable de la valorisation des actifs (boursiers notamment) ?

 

Même si ce n’est pas l’objet principal de cet article, intéressons-nous à la capacité de l’ETF et des rééquilibrages, de protéger l’investisseur dans un contexte différent, globalement décroissant. 

 

La réponse ne dépend finalement pas du contexte, mais du fonctionnement repris ci-dessus. 

Et globalement, l’ETF et ses rééquilibrages ne protégeraient pas mieux l’investisseur, sauf dans un cas précis.

 

Lors d’un rééquilibrage, trois possibilités s’offrent à nous entre deux trimestres :

 

  • L’évolution des entreprises intégrées et sorties est stable ; Le rééquilibrage n’a pas d’impact sur la valeur de l’ETF. L’actif a changé, mais la moins-value actée lors du rééquilibrage dilue la participation dans les autres entreprises composant l’actif de l’ETF.

 

  • Confirmation de tendance : c’est le cas où le rééquilibrage est « intéressant ». L’entreprise intégrée continue de progresser et permet de rattraper la perte actée. Mais à un trimestre d’intervalle, le rééquilibrage se faisant « par le bas » et à évolution égale, la valeur de l’ETF est légèrement moindre qu’avant la baisse de l’entreprise ayant entraîné le rééquilibrage.

 

  • Inversion de tendance : Là, c’est la double peine. La perte actée lors du rééquilibrage et diluant les autres entreprises du fonds se reproduit lors du trimestre suivant, pour en plus, racheter plus cher qu’elle n’avait été vendue l’entreprise rééquilibrée au trimestre antérieur.

 

 

Conclusion

 

On ne peut donc pas conclure que le rééquilibrage ne soit efficace dans tous les cas. En fait, il est efficace dans un seul cas : la confirmation de tendance, à fortiori si elle se poursuit sur plusieurs trimestres. D’où l’expression utilisée de « suiveur de tendance ». On pourrait même dire que les ETF renforcent les tendances, de par leur capacité à collecter et à allouer les capitaux de manière automatique.

 

Par contre, il convient de nuancer un peu mon propos, car l’objet de cet article n’est pas d’attaquer les ETF. C’est, je pense, une des plus grandes innovations en finance au cours des 50 dernières années. Innovation au sens où ils participent à baisser le coût des solutions d’investissement par rapport aux fonds gérés activement. Et où, par le passé, ils se sont avérés plus performants en moyenne à moyen / long terme (plus de 10 ans). 

 

Mais chaque période est différente et il ne faut jamais croire aveuglément en finance à une quelconque recette miracle, fut-elle efficace depuis un demi-siècle. De bonnes (voir très bonnes) solutions existent, comme par exemple les ETF et leur rééquilibrage, mais ce ne sont pas des solutions aussi parfaites qu’on le laisserait parfois entendre. 

 

L’investissement en actions, quelle que soit sa forme, est quelque chose d’un petit peu complexe, qui nécessite que l’on s’y intéresse un minimum avant d’investir. C’est cela qui permet d’être à l’aise avec ses investissements, de comprendre ce que l’on fait et, finalement, de bien vivre avec. Que l’on gagne de l’argent ou pas 😉 

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