Pourquoi changer le monde ne se fera pas de manière radicale
Un autre monde
Notre modèle de société n’est plus viable, nous le savons. À cause de son impact environnemental, mais également à cause de la quantité de ressources requises.
Face à ce danger, beaucoup voudraient radicalement changer. Sans forcément se rendre compte de l’impact en termes de vies humaines (tant en qualité qu’en quantité).
L’idée ici, est de comprendre, sans excuser, l’inaction de nombreux acteurs, de s’approprier cette complexité, d’identifier les freins au changement afin d’imaginer la meilleure solution possible.
En effet, toutes nos institutions sont basées sur la croissance (article ici). Ne serait-ce que la remettre en question peut nous couper, politiquement, de tout moyen d’action. C’est pour cela que l’illusion de la croissance verte existe !
Mais c’est pareil à toutes les strates de la société. De l’entreprise qui s’endette pour développer son activité à l’individu qui emprunte pour s’acheter son appartement. Supposons que nous changions tout radicalement, cela impliquerait une baisse de la richesse, des revenus, et donc mettrait tous ces acteurs face à des échéances qu’ils ne peuvent assumer. Plus de système financier. Plus de confiance. Plus de possibilité de préparer l’avenir (finance ou assurance).
D’un point de vue humaniste, la progressivité est un impératif.
Idem en finance. Qui cherche aujourd’hui à gagner moins avec ses placements ? Aucun acteur n’assume le fait qu’il faudra accepter un moindre rendement pour financer les structures dont l’économie décarbonée de demain aura besoin. Mais serait-ce raisonnable, pour l’individu qui épargne difficilement en contexte d’inflation, d’affecter la totalité de son épargne à des entreprises plus risquées, moins rentables ?
De la même manière, il va falloir le faire de manière transitionnelle. Avec des parties modestes de son épargne, puis un peu plus à mesure que la transition avance.
Mais pourquoi donc veut-on radicalement changer ?
Il y a deux facteurs qui entrent en ligne de compte :
- Tout d’abord, l’inertie des acteurs qui animent nos sociétés. Qu’ils soient politiques ou économiques, force est de constater que l’on est conscient du problème de la viabilité de notre mode de vie depuis longtemps, et que très peu a été fait. Pire encore, les émissions de CO2 augmentent toujours plus et on a même l’impression d’accélérer en s’approchant du mur (ce qui est un peu le cas, au niveau global au moins). Et même aujourd’hui où la prise de conscience semble bien plus importante qu’il y a 20 ans, un certain nombre de croyance perdurent, faisant craindre une action beaucoup trop timide pour réagir à temps (croissance verte, …).
En parallèle, les individus qui composent les sociétés ont, pour certains, pris conscience du problème depuis longtemps et, même s’ils ne sont pas majoritaires, ont adapté leur mode de vie au moins partiellement. Une fois que l’on fait tout ce qui semblait possible individuellement, et que l’on a l’impression que les décideurs agissent de manière beaucoup plus timide, il est logique de vouloir influencer le collectif. Cela peut prendre plusieurs formes, et l’on constate de la radicalité tant dans des associations et actions citoyennes, que dans la sphère politique.
- En même temps que le décalage croissant entre action politique / économique et la prise de conscience d’un nombre croissant d’individus, il y a la psychologie humaine. Et deux aspects fondamentaux du fonctionnement du cerveau humain. La difficulté à agir à percevoir les échéances lointaines (qui joue à la fois sur l’inaction et la volonté de changement radical) et l’absence de réflexion lorsque l’on est mis devant une urgence. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau, la peur est le meilleur des arguments de vente, et l’objectif est justement l’action en urgence, sans y réfléchir. Cette particularité psychologique est à la fois responsable de la société de consommation dans laquelle on vit et des pires régimes politique que l’histoire ai connu. Mais elle est également la raison pour laquelle nous sommes aujourd’hui aussi nombreux, la raison pour laquelle l’évolution nous a permis de nous développer à d’autres époques où l’être humain n’avait pas encore de prise sur la nature. C’est un réflexe de survie. Dans sa merveilleuse complexité, le cerveau humain nous permet d’atteindre un niveau de connexions neuronales non égalé dans le règne animal. Le problème est que réfléchir n’est pas un avantage lorsque l’on est dans un environnement sauvage où de nombreux dangers guettent. Il faut être capable de s’enfuir vite en cas de danger, sans perdre de temps à réfléchir. Si notre environnement actuel ne nous confronte que rarement à ce type de situations, le cerveau lui, fonctionne toujours de cette manière. Et s'en extraire est coûteux en ressources cognitives.
Donc nous sommes aujourd’hui face à une urgence à l’échelle de l’histoire humaine, les décideurs sur lesquels nous avons peu de prise ne semblent pas très réactifs, et nous avons donc logiquement envie d’agir radicalement pour changer les choses, si tant est que l’on soit sensibilisé au sujet. Quitte à plonger dans un autre inconnu sans forcément peser de manière rationnelle les conséquences des changements …
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