Conseil financier et guide de haute montagne

Par François GALVIN  •   Publié le mercredi 07 février 2024
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Lorsque l’on fait appel à un conseiller en gestion de patrimoine (ou conseil en investissements financiers), on ne peut qu’être surpris du coût que cela représente. Soit directement s’il est indépendant (plusieurs centaines d’euros de l’heure), soit indirectement s’il n’est pas indépendant au travers des commissions perçues pour la réalisation de placement « conseillers » (ou vendus) au client.

 

 

Deux métiers pas si différents …

 

J’aimerais ici faire un parallèle avec un autre métier, celui de guide de haute montagne. Il existe aujourd’hui un mooc apprenant à devenir autonome en haute montagne, et co-créé par la FFCAM (Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne) et deux alpinistes de renom. C’est une très bonne chose et c’est relativement accessible (500€ environ).

 

Mais pourquoi donc vouloir rendre les pratiquants autonomes alors que les guides vivent du prix payé par les clients pour être accompagnés dans leurs ascensions ?

 

Plus encore, pourquoi n’y a-t-il pas de formation dans le domaine de la gestion de patrimoine (beaucoup plus courant et moins risqué) permettant de devenir réellement autonome ?

 

Enfin, quand on voit le tarif horaire d’un guide et celui d’un conseiller financier, on est en droit de se demander pourquoi une telle différence !

 

Afin de bien démarrer (et délimiter la comparaison), listons les différences entre l’activité de placement de fonds et celle de guide en montagne.

 

  • L’activité de marche en montagne est une activité de loisirs, dont les pratiquants sont des passionnés.
  • Le marché est donc beaucoup moins large que celui du placement.
  • La régulation de ce secteur est bien moindre que le financier
  • Il n’y a pas « plusieurs manières » de faire en montagne (bien que le conseil financier ait tendance à vouloir se standardiser également), mais ce n’est pas tant du ressort de la réglementation que de l’expérience, du bon sens, et de l’humilité
  • Le risque est bien plus important en montagne (bien que la montagne ne soit pas criblée d’avertissements)
  • Le risque est partagé par le guide qui accompagne le client (à l’inverse du conseil financier où le risque est intégralement supporté par le client)
  • On ne peut pas (se) « mentir » en montagne
  • Le guide peut décider pour le client

 

Mais dans les deux cas :

 

  • On est face à un professionnel qui connaît son sujet
  • On fait appel à lui pour apprendre et/ou se laisser guider dans un monde dont nous ne maîtrisons pas bien le fonctionnement

 

 

Des différences qui se concentrent sur le domaine d’intervention

 

Les différences se concentrent donc principalement sur le domaine d’intervention, plutôt que sur l’intervenant et le rôle qu’on lui octroie. La montagne est un domaine concret, et bien qu’imprévisible, on en a une meilleure connaissance que le monde de la finance et des placements. Paradoxalement, ce dernier est bien plus régulé alors même que son évolution est par nature (activité humaine) imprévisible. La régulation découle de la profondeur du marché et de l’intérêt important des intermédiaires qui disposent là d’une manne très importante de rémunération. Ce qui par là même explique que ces métiers sont moins pratiqués que la montagne par des passionnés, l’intérêt principal étant la rémunération.

 

On a donc d’un côté une activité (la montagne) dont on a une très bonne connaissance mais très risquée, pratiquée par des passionnés, moins rémunératrice et moins encadrée. De l’autre (pour les placements), une activité très encadrée juridiquement, très rémunératrice, pratiquée plus souvent par opportunisme, faiblement risquée dans l’absolu, qu’on ne peut maîtriser qu’en surface, mais que beaucoup plus de clients sollicitent.

 

Un point supplémentaire est encore plus troublant : le conseil financier ne partage pas le risque lorsqu’il « recommande » un placement. Tant qu’il respecte les règles d’avertissement des risques et de formalisme lié à la réglementation, il ne craint rien. Il n’est même pas nécessairement engagé à titre personnel dans le placement préconisé. Sa responsabilité ne pourra être invoquée ultérieurement en cas de performances moindres que prévues, sous réserve des avertissements vu ci-dessus. Lors de l’intermédiation de solutions de défiscalisation par exemple, il n’est même pas obligé de suivre les évolutions fiscales ultérieures au conseil. Ceci ressemble plus à une activité de vente ... pour paraphraser Nassim Nicholas Taleb, il est à l’opposé du décideur « skin in the game », qui joue sa peau et dont les propos sont beaucoup plus crédibles. Mais bon, en tant que conseiller, il n’est pas décideur et comme le dit l’adage en bourse « les conseilleurs ne sont pas les payeurs ».

 

De l’autre côté, c’est tout l’inverse. Le guide de haute montagne est totalement aligné avec les intérêts de son client. Sa peau est littéralement en jeu. Chaque erreur se paye cash. Il est responsable à la fois de la vie de son client, mais également de la sienne. En cas d’erreur du client, il peut perdre la vie et personne ne pourra invoquer la responsabilité du client. Si c’est l’inverse qui se produit, les proches du défunt invoqueront sans nul doute la responsabilité du guide et auront de bonnes chances de gagner.

 

Et tout ça pour combien ?

 

Entre 250 et 350€ la journée, soit le prix d’une heure de conseil auprès de conseils en investissement financier indépendants pas trop chers !

 

 

Quels enseignements en tirer ?

 

S’il fallait un exemple qui prouve le rapport rendement / risque ne se trouve qu’en finance (et encore !), que la valeur « travail » est une notion très relative, que la loi de l’offre et la demande est bien plus puissante qu’on ne le pense, c’est cet exemple que je choisirais. 

 

Ici, le prix payé par le client ne compense comparativement nullement le risque pris par le professionnel, ni même le temps de travail effectué ou les efforts physiques et psychologiques endurés. C’est même l’inverse !

 

Mais il montre également combien le domaine d’intervention conditionne la rémunération. Que lorsque l’on parle d’argent, la rémunération n’est plus perçue de manière absolue, mais relative aux montants en jeu.

 

Mais il montre aussi que des passionnés acceptent de ne presque rien gagner ou presque. Que des domaines intrinsèquement risqués ne nécessitent pas une réglementation invasive pour limiter le risque. Que la responsabilité des acteurs a une bien plus grande importance. Et que le fait que les intérêts des acteurs soient alignés avec ceux des clients joue une part importante dans la quasi auto-régulation.

 

Cet exemple met également en lumière le rapport liberté / responsabilité. Lorsque l’on fixe des règles, un cadre le plus strict possible, on exonère les acteurs évoluant dans le cadre de leur responsabilité. Ils n’ont plus de raison de se poser des questions et n’ont plus qu’un schéma à suivre. Mais on décorrèle les intérêts de l’acteur en question de celui du client. Et au final, on dépense beaucoup de moyens pour contrôler les acteurs sans pour autant améliorer la qualité du service, ni son accessibilité pour le client. 

 

On fait également croire à une prévisibilité via les méthodes utilisées, qui n’est qu’illusoire dans un domaine profondément humain comme la finance. On assène des notions contradictoires telles que « les performances passées ne préjugent pas des performances futures » mais on forme les conseillers à préconiser aux clients des investissements/méthodes dont on ne présente que des performances passées (et d’un passé plutôt récent si l’on compare avec l’expérience de la montagne).

 

Et de manière plus pragmatique, si vous devez choisir un conseiller financier, faîtes en sorte qu’il se comporte tel un guide de haute montagne. Que ses intérêts soient alignés aux vôtres. Qu’il assume certains partis-pris. Qu’il se montre humble et prudent dans sa vision d’un domaine par nature imprévisible.

 

Et si vous n’êtes pas prêt à payer cher pour cela, formez-vous ! 

 

Le ticket d’entrée (en argent ou en temps investi) sera bien moindre que de vous former en montagne, et les risques que vous prendrez bien moins élevés que d’aller explorer seul la montagne 😉

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