Quand le développement personnel envahit la finance

Par François GALVIN  •   Publié le jeudi 15 février 2024
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Etat des lieux

 

L’éducation financière est un domaine « naissant » au sein duquel ont évolué pendant longtemps deux types d’acteurs : les acteurs régulés (banques, assureurs, distributeurs) et les acteurs non régulés, souvent des arnaqueurs surfant sur les croyances de certaines personnes et offrant des promesses fallacieuses de rendements extraordinaires.

 

Avec le fort besoin en éducation financière et le développement de créateurs de contenus / coach et autres acteurs présents sur les réseaux sociaux, il existe désormais un nouveau type de contenu relatif à l’éducation financière. Cette dernière catégorie, plus sérieuse que les arnaqueurs visant à vendre leurs « produits » et plus sexy que les acteurs régulés qui utilisent tous les mots incompréhensibles et inintéressants, s’inspire du développement personnel dans sa manière de procéder :

  • Des contenus longs en apparence, mais assez redondants
  • Une réutilisation d’anciennes recettes (de bon sens) qui ont porté leurs fruits
  • Une promesse de révélation d’une technique simple et éprouvée
  • Expérimentée personnellement et qui a permis de produire de bons résultats

 

Ce qui est intéressant, c’est que le public est visiblement suffisamment avisé et connaisseur pour demander autre chose que des promesses miraculeuses. Et en conséquence, à l’instar des divers coachs que l’on trouve, apparaissent des créateurs de contenu qui véhiculent la bonne parole quand on parle de gestion de ses finances, sans pour autant avoir une longue (ou même courte !) expérience.

 

 

Du mieux, mais des risques de dérive

 

Il y a d’abord un côté positif non-négligeable : le contenu moyen que l’on trouve est quand même un peu plus « dans le vrai » que lorsqu’on trouvait presque uniquement des arnaqueurs sur Internet !

 

Mais également un écueil que beaucoup de professionnels de la psychologie dénoncent avec l’influence croissante du développement personnel : une seule et unique voie de « réussite ». Or, comme tout sujet complexe, la réalité est souvent bien plus nuancée que ce que l’on nous présente.

 

Et c’est également ce que je déplore avec ces nouveaux acteurs spécialistes auto-proclamés en finances personnelles. Une voie unique, simple, bref une évidence. Là où se situe une injonction à réussir à se créer un patrimoine, je préférerais voir une incitation à s’approprier tout le complexe propre au sujet des finances personnelles, en aiguisant la curiosité naissante du public.

 

 

Une recette standardisée qui occulte les différences :

 

  • Coté budget : du frugalisme (exemple : j’ai utilisé tels outils pour faire le point sur mes dépenses, les limiter à x% de mon budget, et épargner le reste).
    • Quid des personnes ne pouvant se permettre d’épargner une partie de leurs revenus, des personnes aimant se faire plaisir ou faire plaisir aux autres, des tuiles qui peuvent nous arriver, … ? bref une injonction unique qui masque une multitude de possibles.

 

  • Coté investissement : des investissements risqués (actions quand ce ne sont pas les crypto-monnaies !) mais présentant, par le passé récent, de forts rendements.
    • Quid du profil psychologique des investisseurs, de leur maîtrise des solutions par lesquelles ils épargnent, du temps qu’ils souhaitent y consacrer, de la pérennité des rendements dans le temps, du market timing (thème il est vrai éludé par la finance traditionnelle également), … ?

 

  • Coté méthode : une méthode simple aidée ou non d’outils, promettant avec de la rigueur une similarité dans les résultats.
    • Compte tenu de ce qui est écrit ci-dessus, quid de la réaction des épargnants qui font face à un vrai crash boursier, qui font face à une tuile non prévue et subissent une baisse de valorisation de leur épargne ? En fait, la question est simplement celle du respect de la diversité des situations personnelles et de l’humilité par rapport aux prescriptions qui sont effectuées (effet dunning kruger).

 

 

Du contenu qui rend accro !

 

Comme pour les formations en développement personnel, l’objectif et les moyens mis à disposition sont malheureusement souvent insuffisants pour permettre à l’individu demandeur d’accéder à une réelle autonomie, et génère de ce fait une forme d’addiction. Ce qui est commercialement intéressant pour celui qui produit le contenu, beaucoup moins pour celui qui le consomme. 

 

Si la situation est tout de même meilleure qu’avant leur apparition, proposant quelques bases plutôt sérieuses, les lacunes propres à la fois à leurs connaissances, mais également à l’économie du contenu sur Internet en font un secteur largement perfectible. Mais une voie est ouverte, et elle ne demande qu’à être approfondie.

 

 

Une réponse à un besoin ?

 

He oui, nous ne sommes pas toujours très rationnels. Nous ne le sommes même que rarement !

 

Si le développement personnel et ses recettes miracle, de bon sens, duplicables, … s’est imposé un peu partout, c’est avant tout parce qu’il répond à un besoin. Celui d’être rassuré, de se dire que l’on a une certaine maîtrise sur les choses qui nous entourent. Dans un monde qui évolue de plus en plus vite, c’est un avantage psychologique certain.

 

Mais c’est surtout une illusion d’optique. 

 

Dans d’autres secteurs que la finance, cette illusion d’optique amène des dérives dangereuses, pouvant mener à la radicalisation. Car à l’instar de la foi religieuse, les mécanismes qui régissent le développement personnel se fondent sur une acceptation sans remise en cause des préceptes fournis.

 

Qui sont suffisamment simples et de bon sens pour permettre une adhésion rapide et totale, mais symétriquement pas assez précis et différenciés pour aider réellement celui qui se les approprie.

 

Donc tout bénéf' pour celui qui entretient sa communauté, beaucoup moins pour celui qui y adhère.

 

Nous vivons dans un monde complexe. La finance en est un (très) bon exemple. Cette complexité peut faire peur. Pourtant, l’émancipation réelle ne peut venir que de l’acceptation, puis l’appropriation et la compréhension de cette complexité.

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