Et si tout placement était une forme de Ponzi ?

Par François GALVIN  •   Publié le jeudi 14 mars 2024
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Quelle est la différence entre n’importe quel placement et un système de Ponzi ?

Derrière cette question en apparence simple, s'en cachent d'autres bien plus intéressantes :

Qu’est ce qui fait qu’un actif monte ou baisse ? Comment un livret peut-il être garanti ? Y a-t-il réellement une différence entre le rendement intrinsèque d’un actif et l’évolution de son prix ?

C'est ce que nous allons voir ici !

 

 

Commençons par le commencement :

 

Définition du système de Ponzi selon wikipedia :

 

« Un système de Ponzi, chaîne de Ponzi, fraude de Ponzi ou pyramide de Ponzi, est un montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investissements des clients essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants. Si l'escroquerie n'est pas découverte auparavant, la fraude apparaît au grand jour au moment où le système s'écroule, c'est-à-dire quand les sommes procurées par les nouveaux entrants ne suffisent plus à couvrir les rémunérations des clients. Son nom rappelle Charles Ponzi qui est devenu célèbre après avoir mis en place une opération fondée sur ce principe à Boston dans les années 1920. »

 

Rémunérer essentiellement les investissements par les fonds procurés par les nouveaux entrants ?

Cela ressemble fort à de la spéculation, mais du point de vue du « gérant » de l’investissement.

 

La spéculation, toujours selon ce cher wikipedia, se définit comme :

 

« Sur un marché quelconque, on nomme spéculation « l'activité consistant à tirer profit par anticipation de l'évolution à court, moyen ou long terme du niveau général des prix ou d'un prix particulier en vue d'en retirer une plus-value ou un bénéfice »

 

Et ce que la définition ne dit pas, c’est que pour tirer bénéficie de l’évolution des prix sur un marché, il faut qu’il y ait un acheteur. Donc au sens de la définition du système de Ponzi, un nouvel entrant.

À ce titre, tout marché permettant la spéculation devient potentiellement un système de Ponzi.

 

 

Tout marché libre serait une forme de Ponzi 

 

La différence réside dans le mode de rémunération des actifs acquis sur un marché. Si ces actifs rémunèrent l’investisseur par leurs activités (dividendes pour les actions, loyers pour les actifs immobiliers, …), il n’y a pas besoin de « nouvel entrant » pour générer la performance.

 

Mais tout actif peut potentiellement devenir un système pyramidal à partir du moment où son prix fluctue. Et la définition du système pyramidale « libre », sans un gérant pour organiser la pyramide, devient synonyme de psychologie collective, d’emballement spéculatif. En somme, de cycle expansion / récession ou bulle / Krach.

 

Et nous pouvons également en déduire que la majorité (voir l’intégralité) des marchés libres sont des systèmes de Ponzi décentralisés. La différence entre la fameuse pyramide et les marchés libres étant l’organisation de la première et donc la connaissance par l’organisateur du fait que les premiers investisseurs sont favorisés par rapport aux derniers qui perdront tout ou partie de leur investissement. Une différence de taille puisque la responsabilité des pertes potentielles est concentrée en un organisme. Mais les conséquences pour les investisseurs sont potentiellement les mêmes, certains sortant gagnants, d’autres perdants. Une fois de plus, nous constatons la focalisation de l’attention des régulateurs sur les moyens et non la fin. Sur la responsabilité que l’on peut (ou pas dans le cas d’un marché libre) faire porter à « l’organisateur ».

 

En cumulant les éléments vus ci-dessus, ce n’est donc pas tant la nature de l’investissement qui en fait un système de Ponzi. C’est le fait qu’il soit organisé par une structure et que sa nature soit masquée par la structure. Souvent, cela prend la forme de revenus (et de capital) « garantis » par l’organisateur. Ce qui est en effet, avec cette lecture, un signe fort de risque de manipulation de l’information, les seuls organismes en capacité de garantir des placements étant les banques, ou par extension tout institution financière suffisamment solide pour pouvoir payer les intérêts et rembourser le capital aux investisseurs.

 

 

Et qu’en est-il des placements « garantis » ?

 

Mais du coup, poussons la réflexion plus loin. Un rendement et un capital garanti, même par une banque, sont-ils des informations absolues ?

 

On va classer deux types d’organismes : 

 

Les livrets « crypto », qui ressemblent beaucoup à des systèmes pyramidaux (A) et les livrets bancaires et fonds euro, qui au-delà de la garantie donnée par la banque ou l’assureur, disposent d’un fonds de garantie étatique, mais pas sans limite (B).

 

A. Pour les livrets crypto, ce n’est probablement pas de la malhonnêteté des gérants, mais simplement un optimisme très fort, couplé à une lecture des chiffres relative et non absolue. 

 

Je m’explique : quand bien même le rendement servi ne tiens pas compte de l’évolution croissante du cours des crypto permettant le rendement et/ou les rachats, ce sont les rendement DeFi (décentralisation financière) qui permettent d’honorer le rendement garanti. 

 

Or, les rendements de stacking ou de masternode des crypto DeFi sont payées dans la crypto en question. Ce qui peut constituer, en soi, une forme de pyramide de Ponzi.

 

En effet, si, à demande et périmètre égal, je génère un rendement dans une devise quelconque, cela augmente la quantité de devises en circulation et en réduit donc mécaniquement sa valeur. La situation est stable, et tout rendement versé viens diminuer la valorisation de telle sorte que rien ne soit créé ni détruit. 

 

Mais l’environnement n’est pas « stable », dans la mesure où le propre des crypto defi est de proposer un sous-jacent et de ne pas simplement être une devise virtuelle. Donc c’est un peu plus complexe, et tout repose In Fine (comme pour les autres marchés d’ailleurs) sur la valeur du sous-jacent. 

 

Par exemple : Combien est valorisé le smart contract sous-jacent à l’ethereum ? Impossible à dire compte tenu de son utilisation encore marginale dans l’économie réelle, mais il est peu probable que ce soit le prix de marché de la crypto. Et tout écart entre la valeur réelle du sous-jacent et la valeur de marché constitue une possibilité de risque de système de Ponzi. 

 

Ce qui, vous me direz, est valable pour tout marché libre. C’est la raison pour laquelle aucun placement ayant pour sous-jacent des actions par exemple, ne revendique de garantie absolue (type livret). Au plus, pour les produits structurés par exemple, une garantie de l’émetteur (d’ailleurs, ce sont les seuls organismes à proposer des placements action « garantis », tant une erreur d’anticipation couterait cher au gérant). Mais en cas de faillite de l’émetteur, plus de garantie. 

 

Tout repose une fois de plus sur la nature de communication autour du produit de placement proposé. Pour les gérants de livret Crypto, ils omettent simplement d’indiquer que la garantie du revenu ne s'entend que dans des limites qui n'ont pas été atteintes au niveau de la valorisation des crypto sous-jacentes, la période récente ayant été marquée par une certaine euphorie.

 

 

B. Les livrets bancaires et fonds euro : On l’entend à chaque crise financière, les banques vont faire faillite et vous allez perdre votre épargne garantie. 

 

Bien que ces prédictions ne se soient jamais réalisées (et soient portées par des oiseaux de mauvaise augure opportunistes qui sont rarement neutres dans leurs prédictions – souvent ils vendent de l’or, sans préciser que c’est la plus ancienne pyramide de Ponzi décentralisée au monde), elles sont ancrées dans l’esprit de tous. 

 

On accepte donc implicitement (et peut-être même plus facilement) que le faible rendement garanti puisse ne plus être honoré et qu’on puisse même perdre de l’argent !

 

Et donc que les derniers sortis puissent ne pas récupérer leurs fonds, à l’inverse des investisseurs sortis plus tôt. D’une certaine manière également, il peut donc y avoir asymétrie de traitement et les derniers entrant peuvent se retrouver en situation de payer les derniers sortants, avant de se retrouver eux-mêmes bloqués. 

 

Pour en arriver là, il faudrait que deux conditions soient réunies : qu’il y ait la faillite d’un ou plusieurs établissements bancaire (ou assureur) ou que les sous-jacents derrière les produits de placement à capital garantis ne permettent plus d’honorer le rendement / les remboursements, puis que le fonds de garantie mis en place par l’Etat ne soit pas en mesure d’indemniser tout le monde. Car oui, il y a bien une garantie étatique derrière ces placements garantis.

 

La faillite d’un de ces établissements est le cas le plus souvent cité comme pouvant potentiellement remettre en question la garantie. Un sujet qui est moins discuté, mais pouvant être tout autant problématique à mes yeux, et qui nous rapproche de la thématique du jour des systèmes pyramidaux, est l’étude des sous-jacent de ces placements.

 

Car pour qu’un établissement puisse déclarer un capital et un rendement garanti, il faut que les fonds soient investis majoritairement dans ce que l’on appelle en finance « l’actif sans risque », c’est-à-dire des obligations d’Etats (si possible suffisamment solides).

 

Mais si à un moment, il y avait un défaut sur cet actif sans risques, il ne le serait plus par définition. Et on entrerait dans un système de Ponzi « à l’envers », c’est-à-dire que ce ne serait plus la spéculation sur l’augmentation perpétuelle des actifs sous-jacents qui constituerait l’architecture de la pyramide, mais simplement l’anticipation que ces actifs sous-jacents seraient un jour remboursés.

 

Et que penser de la garantie d’un Etat posée sur des produits financiers s’il n’est plus en mesure d’honorer ses dettes (c’est pour cela que ce sont des fonds de garantie interbancaire et interassureur qui sont mise en place et provisionnés – mais probablement provisionnés selon les mêmes règles de calcul des risques) ?

 

 

Pour conclure et aller plus loin

 

Jusqu’ici, nous avions différencié ce qui relevait d’un système de Ponzi par la nature des revenus générés par l’actif sous-jacent. Nous venons de brouiller cette frontière. Si « l’actif sans risque » venait à faire défaut, si le placement sous-jacent ne délivrait pas le rendement prévu, ce seraient les nouveaux entrants sur ce placement également qui paieraient pour ceux qui souhaiteraient sortir. Sauf à dire que les retraient soient gelés dès l’information du défaut actée.

 

Autre réflexion plus actuelle sur le principe de l’actif sans risque et des livrets garantis. Sachant qu’un pays comme la France n’a pas équilibré un budget depuis fort longtemps, la dette (l’actif sans risque) n’est pas remboursée organiquement, mais par émission de dette nouvelle. Cela ne constituerait-il pas un système pyramidal en soi ? 

 

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