Le DCA, révélateur des excès de notre époque ?

Par François GALVIN  •   Publié le jeudi 28 mars 2024
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Depuis l’avènement de l’ère des crypto-monnaies, ce terme apparait très souvent. Sous le plume ou au travers des lèvres d’influenceurs financiers, mais également de conseillers financiers. On aurait presque l’impression qu’il s’agit de quelque chose de nouveau, de très technique, qu’il faut absolument maitriser si on veut exister dans le monde de l’investissement. Alors que ce qui se cache derrière ces trois lettres, c’est une pratique de bon sens qui est vieille comme l’investissement !

 

Et jusqu’ici, cela s’appelait : l’investissement programmé.

 

Investir sur un même actif (ou un même fonds) à intervalles réguliers afin que son prix d’achat reflète la moyenne du prix de l’actif sur la période au cours de laquelle on l’achète, et non à une seule date fixe.

 

Dit autrement, c’est diminuer son risque de ne pas avoir de chance lorsque l’on décide de se mettre à investir et de voir son investissement en perte pendant un certain temps.

 

Ce que je vais développer après n’est pas une critique du principe, mais de la sémantique qui s’est construite autour et de l’utilisation parfois abusive qui en est faite.

 

 

Le DCA, entre effet de mode et apparence technique

 

Le terme est en lui-même problématique. Si l’objectif de ces acteurs de la finance qui l’utilisent est de démocratiser l’investissement, je dirais que le choix n’est pas le bon. Mais il est à la mode et donne une parure d’expert à celui qui sait l’utiliser.

 

DCA signifie Dollar Cost Averaging. Ça ne vous en apprendra pas d’avantage si vous ne le connaissez pas. Surtout que le seul mot important est averaging (ou moyenner si vous voulez). En Français, il s’agirait donc de « moyenner au prix du dollar ». Encore une fois, pas sûr que cela vous explique de quoi il s’agit !

 

Dans l’univers des crypto-monnaies, l’idée est que chaque crypto-monnaie dispose de sa parité de change (si l’on peut dire ainsi) vis-à-vis du dollar. Et donc, acheter régulièrement une même crypto monnaie permet de « moyenner » sa valeur de change en dollar. En le décrivant, je me rends compte à quel point cette expression rend complexe quelque chose qui est normalement assez simple …

 

Si dans l’univers des crypto (de surcroit si l’on vit aux USA) cela peut faire sens, ça n’en a aucun pour les autres actifs.

 

Pourquoi ? 

 

Tout simplement parce que les autres actifs sont généralement déjà libellés dans la devise avec laquelle vous fonctionnez au quotidien : US dollar pour les USA, Euro en France, … 

 

Donc lorsque l’on applique la « méthode » DCA dans d’autres univers que les crypto-monnaies, la moyenne ne se fait plus vis-à-vis du cours de la devise (qui elle reste ce qu’elle est), mais vis-à-vis de la valeur de l’actif dans lequel on investit. 

 

D’autant plus que le terme « investissement programmé » existait déjà antérieurement et était déjà utilisé depuis des lustres par les banques et les conseillers patrimoniaux. 

 

Oui mais voilà : ce monde ne fait pas rêver, au contraire. Alors que celui des cryptos, avec son apparence technique et ses perspectives d’enrichissement rapide est beaucoup plus vendeur notamment pour les jeunes générations.

 

Avec deux conséquences : 

  • On ajoute de la complexité sémantique à un domaine qui en souffre déjà beaucoup
  • On créé un cadre d’expertise fictif entre les « sachant » et le reste

 

En somme, utiliser des termes comme le DCA n’aide pas à l’éducation financière des investisseurs.

 

Voilà pour les problèmes de surface. Viennent ensuite l’utilisation qui va en être fait, probablement lié à l’effet de mode également.

 

 

La méthode d’investissement miracle ?

 

Le principe est donc d’acheter à intervalle régulier le même actif afin d’en lisser le prix d’achat. Ce qui permet de « profiter » d’une baisse temporaire par exemple pour diminuer son prix moyen d’achat. 

 

Ce qui, pour ses promoteurs, sera selon eux forcément payant puisqu’à un moment, les actifs en question retrouveront forcément leur prix d’il y a un an. Forcément dites-vous ?

 

Rien n’est moins sûr … déjà tout dépend de quel « actif » on parle. Si on parle des crypto-monnaies par exemple, beaucoup n’ont pas de valeur intrinsèque donc leur évolution future est complétement imprévisible. Si on parle des actions (disons d’un fonds en actions diversifié), l’évolution historique sur les 100 dernières années montre qu’en effet, avec un objectif de long terme, on finit toujours (ou presque) par être gagnant. Mais ne dit-on pas que « les performances passées ne préjugent pas des performances futures » ? Il n’est jamais certain que l’avenir soit similaire au passé, loin de là.

 

Donc le DCA, c’est un peu l’assurance tout-risques du conseiller financier ou de l’influenceur qui profite d’une bulle sur certains actifs pour y amener son auditoire, puis qui sort l’argument magique du DCA dès que ces mêmes actifs commencent à diminuer. 

 

En effet, l’investissement programmé est une manière de se protéger contre la volatilité des actifs, mais il sera payant en cas de baisse des actifs, pas en cas de hausse (si on le compare à un investissement « one shot »). D’ailleurs, hasard du calendrier ou pas, on a vu ce terme fleurir avec la baisse des cryptos de 2023 …

 

Tout n’est bien sûr pas à jeter et la technique du DCA est très utile dans de nombreuses situations. Mais il serait peut-être souhaitable de voir plus de prises de position assumées, plutôt que de se cacher derrière une fois inébranlable en l’intérêt de l’investissement en actifs risqués quelle que soit la période. Avec comme alibi l’impossibilité de prédire l’évolution desdits actifs, et comme bannière l’historique des rendements en DCA qui ne présagent pas des performances futures.

 

 

Le market timing est mort, vive le market timing ! 

 

Passons sur les opportunistes. 

 

D’autres arguments plus formels et largement avancés militent pour une plus large utilisation de l’investissement programmé (ça y est, j’en ai marre d’utiliser DCA !). Et peuvent être contestés.

 

L’investissement programmé permettrait de s’affranchir du market timing (essayer d’entrer « au bon moment ») et du risque de volatilité (que le prix des actifs fluctue beaucoup, à la hausse comme à la baisse).

 

S’il est vrai que personne ne peut deviner l’évolution future de marchés volatils, le market timing reste intrinsèquement lié à la volatilité, même lorsque l’on investit à long terme. Le fait d’investir de manière régulière pose déjà la question de la régularité. Si l’on décide d’investir tous les jours, toutes les semaines, tous les mois ou tous les ans, il s’agit déjà d’une prise de position (une forme de market timing subi par une méthode choisie). Et ne jamais la remettre en question expose également au risque de volatilité.

 

Deuxième point, si l’on s’exonère de cette prise de position à l’investissement, il faudra quand même se la poser lorsque l’on voudra récupérer ses fonds. Même avec une volatilité lissée par des investissements réguliers, si l’on a besoin de sortir son épargne à un moment où les marchés sont très faiblement valorisés, une perte ne sera pas à exclure.

 

Il existe aujourd’hui des systèmes de désinvestissement programmés, qui permettent, en théorie, de sortir petit à petit, un peu à la manière d’une rente (mais sans aliéner le capital). Ce qui permet de lisser également le prix de vente. Cependant, lorsque l’on a besoin des fonds investis, exception faite d’investissements réalisés pour la retraite, c’est en une fois qu’il faut sortir (pour un achat immobilier par exemple).

 

Donc s’exonérer totalement de prendre position vis-à-vis du marché est une illusion. Il faudra, dans la majorité des cas, s’y confronter à un moment où à un autre et faire ce que personne n’aime faire vu que l’on n’a pas de boule de cristal : prendre une décision en situation d’incertitude. C’est comme ça, c’est la vie, et en investissement aussi !

 

 

Se sensibiliser au risque et à la volatilité

 

La conclusion de tout cela est qu’investir dans des actifs volatils (risqués) est en soi une prise de position (et de risque) quant à leur évolution future, avec ou sans investissements programmés. Il faut être psychologiquement prêt à endurer ce risque. Et ce type d’investissement n’est pas fait pour tout le monde, même avec une bonne connaissance et compréhension des mécanismes. 

 

L’aversion à la perte est puissante et il peut être difficile de vivre de brusques chutes des marchés action surtout si l’on sait que l’on doit retirer les sommes placées à une échéance courte ou moyenne. 

 

Investir ne doit pas vous empêcher de dormir …

 

 

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