Comprendre le déclin de l'idéal démocratique

Par François GALVIN  •   Publié le jeudi 05 décembre 2024
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Les sociétés occidentales font face à un phénomène que l’on découvre avec une forme de sidération, mais qui pourtant semble se dessiner depuis fort longtemps maintenant. Enfin, en tout cas, pas depuis hier.

 

Le point de bascule de la sidération émerge souvent lors d’élections présidentielles, telles que celle de Donald Trump par exemple. Cette dernière (enfin la seconde) et les réactions qu’elles provoquent sont symptomatiques de notre refus de voir certaines réalités, ou plutôt les conséquences de ces réalités. A minima, au sein d’une partie de la population de ces mêmes démocraties occidentales, plutôt éduquée, urbaine, attachée à la démocratie, à la science et à la vérité, mais également à une forme de morale.

 

Si la première élection de Donald Trump a été un vrai révélateur de ce « déclin » des valeurs démocratiques, il s’en est suivi d’autres évènements qui attestent des mêmes symptômes, au sein de démocraties occidentales, économiquement développées. Du Brexit en passant par le succès croissant des mouvements d’extrême droite (ou gauche parfois) de nombreux pays Européens. 

 

Mais la seconde élection de Donald Trump ne devrait, malheureusement, pas nous surprendre. Comme si les « fondamentaux » qui ont amené les électorats de tous les pays développés ou presque à se tourner vers des extrêmes avaient disparu comme par magie … On peut refuser de les voir, on peut refuser d’échanger avec lorsque l’on y est confronté, mais on n’empêchera pas ce phénomène si l’on refuse de l’accepter et d’en comprendre les causes.

 

C’est donc l’objet de ce papier : analyser de manière multi-factorielle le déclin démocratique que toutes les sociétés occidentales expérimentent ou presque, à l’appui de fossés sociétaux qui, comme nous allons le voir, ne datent pas d’hier …

 

Comme d’habitude, commençons par définir les termes du sujet :

 

  • Déclin démocratique : peut concerner à la fois l’exercice de la démocratie des dirigeants en fonction, que les arguments électoraux des candidats ou encore l’idéal démocratique au sens large (celui d’une société horizontale, où savoir comme responsabilités sont également partagées au sein de la population, où la raison guide les décisions, …). Sur tous ces aspects, la démocratie est en recul. L’exemple le plus criant étant les annonces de Trump avant sa réélection vis-à-vis d’une modification des règles démocratiques américaines pour briguer un 3è mandat. Ou encore ses appels à l’insurrection en cas de défaite (qui – par chance ? – n’a pas eu lieu). Nul doute, plus de la moitié des Américains sont prêts à prendre le risque de « perdre » leur démocratie. 

 

  • Fossé sociétal : il s’agit d’un aspect de la société qui tend à expliquer comment on en est arrivé là. Le terme fossé indique qu’un écart grandissant au sein de la population s’est creusé au fil du temps, sur chacun de ces aspects (en anglais, on utiliserait « gap »). Seul, un de ces fossés n’aurait probablement pas causé un tel recul de l’idéal démocratique. Mais ensemble (et via leurs interactions entre eux), ils constituent une toile qui éclaire d’une manière complexe comment un tel phénomène qui peut sembler irrationnel de prime abord peut s’imposer au sein d’une population. Il n’y a pas d’ordre au sein de ces aspects sociétaux. J’ai choisi, mais c’est purement subjectif, de prendre la stagnation socio-économique comme point de départ. À la lecture de ces multiples facteurs et de leurs liens entre eux, ce qu’il se passe sous nos yeux n’est finalement pas si étrange … bien qu’il soit toujours plus facile de le constater a posteriori !

 

 

A. Les fossés socio-économiques 

 

Caractéristiques : Ce fossé est inter-temporel principalement, c’est-à-dire qu’il s’est creusé entre les générations précédentes et la nôtre. Mais également, entre parties de la population, et entre zones géographiques au sein des pays. 

 

Ce fossé se fonde sur l’accroissement des inégalités de revenus et surtout de patrimoines (pour nous en France) au cours des 20 dernières années. Mais des inégalités élevées ne sont pas nécessairement un problème, comme la période des 30 glorieuses l’a montré. À cette époque de reconstruction économique suite à la fin de la seconde guerre mondiale, les inégalités ont fortement augmenté (à un niveau supérieur à aujourd’hui), mais cela n’a pas été perçu comme un problème social. L’explication avancée par certains (Daniel Cohen, « une brève histoire de l’économie » pp 146-149) est une question de perception psychologique. À la fois de sa propre richesse vis-à-vis de ses pairs, mais également de ses propres perspectives d’enrichissement. 

 

Or, à cette période, la classe moyenne émerge et nombreux sont ceux qui sortent d’un mode de vie rural et difficile (tant en termes de temps de travail que de sécurité matérielle) pour aller vers le travail en usine et urbain. Faire partie de la classe moyenne devient un gage de meilleures conditions de vie, et tout le monde (ou presque) peut le réaliser. En lisant entre les lignes, c’est la forte croissance économique de l’époque qui rend les inégalités acceptables, puisque le « bien-être » de tous s’améliore. Mieux encore, les perspectives liées à la croissance économiques amènent une aisance matérielle qui se concrétise au sein d’une même génération.

 

Les chocs pétroliers ont sonné le glas de la forte croissance, mais également un recul des inégalités (que l’on peut constater via l’indice de Gini ou les inégalités de revenus). Rendant probablement la croissance plus faible socialement acceptable. Sachant qu’elle s’élevait à un niveau supérieur à aujourd’hui tout de même. Et que l’accélération de la mondialisation des échanges a permis une recomposition des chaines de valeur des entreprises, permettant d’aller produire là où les coûts de main d’œuvre étaient moins élevés (pays non encore totalement développés économiquement). Ce qui nous a offert une forte augmentation du pouvoir d’achat malgré une croissance plus faible qu’avant. Mais le coût, pour le pays, fut la désindustrialisation. Avec comme corollaire des bassins d’emplois hors grandes métropoles qui se sont asséchés, commençant à dessiner la recomposition du paysage économique du pays et à créer un fossé entre zones économiquement dynamiques et zones moribondes, au sein desquelles perspectives comme comparaison avec les pairs devenait plus difficile à supporter pour ceux qui étaient (et sont toujours par ailleurs) concernés. Ce premier fossé semble le plus ancien et structurant dans le déclin démocratique. On peut le constater dans tous les pays concernés, au premier rang desquels les Etats-Unis, où le découpage géographique métropoles vs anciennes zones industrielles prospères structure le débat politique depuis au moins 10 ans.  

 

Depuis les années 2000, la situation est bien différente. La croissance économique s’est encore ralentie, mais surtout, les inégalités repartent à la hausse. Pour des pays avec un faible amortisseur social comme les Etats-Unis, ce sont toutes les inégalités qui sont concernées. Pour nous en France, elles se concentrent sur les inégalités de patrimoine, bien que les inégalités de revenus repartent également légèrement à la hausse. L’indice de Gini marque un peu plus cette hausse (sans pour autant atteindre les mêmes niveaux qu’avant les années 70). Cela s’explique en partie par la répartition de la faible croissance économique, tirée par quelques champions nationaux, dont la valeur actionnariale s’est accrue beaucoup plus vite que le PIB du pays. Dans le même temps, cette répartition inégalitaire d’une plus faible croissance a fait « imploser » les classes moyennes (nous y reviendrons dans le fossé sociologique). C’est-à-dire que la catégorie s’est « étirée » à la manière d’une toupie, une bonne partie rejoignant les classes populaires, une autre accroissant ses revenus pour s’approcher des classes aisées. La conséquence socio-économique : la pauvreté augmente de nouveau (https://www.insee.fr/fr/statistiques/7710966).

 

On se retrouve donc dans une situation où les inégalités s’accroissent, mais où la croissance n’est presque plus présente. Si l’on se réfère à la perception psychologique d’une telle situation, la comparaison inter-générationnelle amène de nombreux individus à considérer qu’ils étaient plus heureux (ou plus riches) avant. Ce qui n’est globalement pas le cas si l’on considère comme critère la richesse matérielle, l’espérance de vie (chez nous en France du moins) ou l’accès aux savoirs. Mais l’absence de perspective d’enrichissement, la constatation d’une moindre amélioration de ses propres conditions de vie intra-générationnelles et surtout la comparaison avec les « gagnants » de ce nouveau découpage socio-économique pose un vrai problème de déclassement d’une grande partie de la population de tous les pays développés ou presque. 

 

C’est donc un triple fossé socio-économique qui s’est creusé au cours des 20 ou 30 dernières années : un fossé inter-générationnel (c’était mieux avant), un fossé intra-générationnel (perdants vs gagnants) et un fossé géographique (campagnes vs métropoles). Je pense que ce triple fossé socio-économique est le « point de départ », ou du moins celui sans lequel les autres que je vais explorer plus loin n’auraient pas provoqués un tel reflux démocratique. Mais il s’agit d’un parti pris, et je ne pense pas non plus que cet aspect socio-économique aurait suffi seul … c’est tout le problème des systèmes complexes au sein desquels plusieurs parties prenantes s’influencent les unes les autres.

 

 

B. Le fossé des savoirs

 

Ce fossé est celui sur lequel j’ai le moins lu d’analyses le liant à la situation démocratique des pays développés. Mais il me semble néanmoins important si ce n’est essentiel pour bien saisir la situation. Les 70 dernières années ont été incroyables pour le développement de la science et des savoirs. Ce développement est presque exponentiel. Dans tous les corps de sciences, qu’il s’agisse des sciences « dures » ou humaines et sociales, nous n’avons cessé de repousser les frontières du savoir, de mieux appréhender le fonctionnement de notre monde. Que ce soit dans l’usage des technologies à disposition, dans l’auto-organisation dont les chercheurs sont capables, dans leur capacité à utiliser (et accepter) les points de désaccord pour faire avancer la recherche, à s’accorder sur ce qui se rapproche de la vérité quand elle ne peut pas être « prouvée » (comme c’est le cas pour les sciences humaines et sociales), la société des savoirs est l’exemple type d’une adoption optimale de l’idéal démocratique.

 

Un exemple parmi d’autres : l’utilisation d’internet et l’open science. Ou comment la société des savoirs s’est admirablement défendue (et a utilisé la technologie dans son meilleur sens) face aux intérêts privés (https://fr.wikipedia.org/wiki/Science_ouverte).

 

Alors que dans le même temps, l’émergence des réseaux sociaux transformait internet en une TV géante au sein de laquelle il n’est même plus nécessaire d’être curieux pour se voir proposer du contenu (médiocre). Là où les moteurs de recherche proposaient une approche bottom up très intéressante. Nous reviendrons sur l’aspect technologique plus loin.

 

Mais le problème est que cette société, bien que (presque) totalement ouverte et transparente, est difficilement accessible à ceux qui n’en font pas partie. C’est-à-dire que cet accroissement très important des savoirs ne s’est pas accompagné d’une éducation « de base » qui permet d’accéder aisément à ces savoirs. Et qui se retrouvent soit vulgarisés (quand ils le sont), et donc simplifiés et perdent un peu de leur véracité, permettant à d’autres de jeter le doute sur les découvertes, soit ramenées à de simples faits, imposés verticalement par ceux qui vont les utiliser. Et ceux qui les utilisent sont souvent les décideurs économiques ou politiques, dit autrement, l’élite. Mais ces mêmes décideurs ne sont pas non plus issus (généralement) de la société des savoirs et ne maitrisent pas beaucoup mieux ces « faits ». 

 

Trop rarement, le doute (méthodique), fondamental dans la méthode scientifique, est mis en avant ou expliqué. Reconnaissons tout de même que malheureusement, pour bien saisir le développement et la validation d’idées scientifiques, il faut un investissement temporel et cognitif conséquent. Il faut également mettre de coté ses croyances, souvent liées à des valeurs et à la construction de sa personnalité. Il faut donc une attitude que peu d’individus sont prêts à arborer. Et il serait donc probablement illusoire de croire que l’éducation primaire ou secondaire pourrait y pallier. Mais parfois, l’étincelle de la curiosité peut mener à de grandes choses. L’attitude du doute également, celle qui est à la base du mouvement inverse, celui des pseudo-sciences et conspirationnismes. C’est juste la manière de douter qui est différente, mais l’attitude de base est bonne.

 

On comprend donc mieux que jamais le monde dans lequel on vit, mais on est souvent incapables de mettre en place des actions à grande échelle utilisant ces découvertes scientifiques, parce que peu de personnes (y compris au sein des décideurs) ne les comprennent. À ce titre, la société des savoirs apparait un peu comme un Cassandre des temps modernes …

 

Encore une fois, ce fossé n’est pas nouveau. Je pense même qu’il en a toujours été ainsi. Mais l’accroissement exponentiel des savoirs a agrandi ce fossé. Et il s’est matérialisé récemment, à l’appui des réseaux sociaux et de la post-vérité. Dévoilant au grand jour la méfiance voire la défiance dont la société du savoir est affublée par un grand nombre de personnes. 

 

 

C. Le fossé sociologique

 

Ce fossé a été bien exploré par les sciences humaines et sociales, notamment la sociologie. Puisque la vision que la plupart des sociologues avaient de la société dans les années 60 a été complètement bouleversée (la sociologie « Bourdieusienne »). Ici encore, le phénomène n’est pas nouveau. 

 

La confiance dans les représentants politiques s’est continuellement dégradée au sein des 30 dernières années (https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/293319-les-citoyens-se-desinteressent-ils-de-la-politique-par-remi-lefebvre).

 

L’implosion de la classe moyenne et la désindustrialisation brièvement évoquée ci-dessus ont grandement affaibli les corps intermédiaires que sont les syndicats et représentants du personnel en entreprise (https://www.observationsociete.fr/modes-de-vie/vie-politique-et-associative/une-france-tres-peu-syndiquee/).

 

Pour les médias, c’est un peu plus récent et clairement lié aux changements technologiques que nous allons explorer juste après (https://www.lecese.fr/actualites/comment-redonner-confiance-dans-les-medias).

 

Ce fossé est complexe car il s’agit à la fois d’un déficit de représentativité (une non reconnaissance dans les idées défendues par les représentants), d’un désengagement de ces problématiques (comme en attestent les statistiques de participation électorale) et d’attentes souvent trop simples et peu réalistes des administrés. Ces causes étant en outre entremêlées : le désengagement peut se comprendre comme une conséquence de la non représentativité, qui elle-même peut se comprendre comme un décalage entre ce qui est faisable pour le représentant et les attentes de l’administré ! En tout cas, cela ressemble fort à un cercle vicieux entamé il y a bien longtemps de cela. Et il est probablement lié au déficit de croissance. Quand le « gâteau » grossit, les responsables politiques peuvent contenter tout le monde. Quand il stagne, c’est déjà beaucoup plus compliqué…

 

Mais quels rôles sont censés jouer tous ces représentants de la société civile ? Un rôle d’intermédiaire, entre une population de 68 millions d’habitants et la poignée de décideurs qui gouvernent les institutions de la société civile (entreprises, partis politiques et donc gouvernement). Comme le dit l’adage, « on aimerait tous être aux commandes, mais l’offre est plus petite que la demande ». Disposer d’intermédiaires est donc crucial, tant dans un sens ascendant que descendant. 

 

Dans le sens ascendant, les intermédiaires regroupent les demandes, besoins et velléités des administrés aux décideurs, comme le font les syndicats auprès du conseil d’administration d’une entreprise ou le représentant politique élu au sein de son parti, du parlement ou de la commission européenne. En ce sens, ils font en sorte de rapprocher les décideurs de l’ensemble de la population, que ce soit par la lutte, le lobbying ou le débat.

 

Le sens descendant est plutôt le rôle des médias, qui rendent compte de l’actualité du pays et indirectement de son état. Mais en focalisant la lumière sur quelques éléments seulement, rendant nécessairement ce compte rendu partiel (et parfois partial). Autant les partis politiques et corps intermédiaires sont élus, autant les médias sont les entreprises commerciales comme les autres. Avec leur double contrainte : gagner de l’argent, donc maximiser leur audience et par conséquent servir des programmes et informations qui correspondent aux attentes de la population. Et être administrés, donc avoir un propriétaire, qui peut privilégier ses idées et son agenda à la rentabilité de son entreprise. Autant dire que de nombreux paramètres entrent en jeu dans le compte rendu que les médias font de la société. Mais cela est inhérent au fonctionnement même des médias et ne peut être évité : l’alternative est pire, des médias aux seules mains des décideurs politiques, offrant un seul point de vue sans contradiction … et où les conflits d’intérêts sont évidemment plus importants. Les conflits d’intérêts existent et c’est, comme souvent dans cette partie, par le pluralisme que l’équilibre entre information juste et conflit d’intérêts se trouve.

 

La confiance et donc la représentativité de tous ces intermédiaires s’est progressivement érodée avec le temps, comme en attestent les sondages, le nombre de votants aux élections politiques ou des représentants du personnel en entreprise (voir en début de section). Encore une fois, difficile de trouver une origine claire au phénomène, tant il est réflexif. D’un côté les représentants doivent plaire aux administrés, que ce soit pour être élus ou pour générer des revenus. Ce qui implique souvent de promettre plus qu’ils ne peuvent réaliser, ou de focaliser l’attention sur certains sujets. De l’autre, ils doivent rendre compte de leur action, qui est souvent en décalage avec les promesses réalisées, ou endurer les critiques d’un focus attentionnel qui ne représente, par définition, pas les attentes de la totalité de la population.

 

En résulte une horizontalisation de la société qui, à l’appui des « nouvelles » technologies que nous allons explorer juste après, se passe des représentations intermédiaires entre décideurs et administrés. Et par là même, une atomisation de la représentation, qui existe toujours puisque même lorsque l’on peut tous s’exprimer, 65 millions de voix seraient inaudibles. Et cette atomisation de la représentation s’accompagne également d’une variabilité des profils des représentants et, je pense (mais je n’ai pas de statistiques à avancer), un nivellement par le bas des compétences des représentants, donc de leur capacité à exercer le rôle de représentant. Problème auquel on peut ajouter une dispersion des intérêts, de petits groupes avec des idées communes bien précises remplaçant de grands ensembles d’intérêts intégrant plus de diversité. Bref, une base de travail bien plus difficile pour faire société, qu’il s’agisse de rendre compte de la « réalité » du pays comme de travailler à son évolution.

 

 

D. Le fossé technologique

 

Pour beaucoup, ce fossé est un des plus importants et pourrait être mis en centre du phénomène de recul de l’idéal démocratique. Personnellement, c’est le premier dont j’ai pris conscience, en 2017, à la lecture de « la démocratie des crédules » du sociologue Gérald Bronner. L’essai, écrit en 2013 semble visionnaire. On y découvre entre les lignes la possibilité d’une élection telle que celle de Donald Trump. Rares sont les ouvrages d’une telle lucidité dans la lecture des évènements qui se passent sous nos yeux et qui anticipent avec justesse les difficultés à venir. La spécialité de Gérald Bronner étant les croyances collectives, c’est assez naturellement qu’il était aux premières loges de la montée des conspirationnismes et autres théories du complot. Mais là où son analyse est brillante, c’est dans le lien qu’il va établir avec la massification de l’information, elle-même induite par la montée en puissance des réseaux sociaux. Mais avant 2013, le phénomène était émergent et clairement pas aussi massif qu’il ne l’est aujourd’hui (https://fr.statista.com/infographie/17800/big-data-evolution-volume-donnees-numeriques-genere-dans-le-monde/). L’auteur pointe également le rôle de la gestion algorithmique de cette masse d’information, qui tranche avec l’approche éditoriale des médias traditionnels et enferme les utilisateurs dans des bulles d’information qui ne font que renforcer leurs croyances initiales.

 

Tout ce qui a été écrit dans cet ouvrage, il y a plus de 10 ans maintenant, est toujours cruellement d’actualité. Les dangers pointés du doigt se sont globalement matérialisés. Et ils constituent le fossé technologique qui nous intéresse ici et participe (grandement) au recul de l’idéal démocratique. À l’inverse des autres fossés, celui-ci s’est creusé très rapidement et était difficilement détectable ou anticipable avant 2010, attestant de la vélocité des innovations technologiques et le leur impact sur l’ensemble de la société. Mais également de l’impossibilité de penser un nouveau cadre conceptuel pour appréhender cette nouvelle réalité en un délai aussi court, et donc de l’encadrer juridiquement en prenant compte des risques induits. Renforcer l’éducation à l’esprit critique, comme recommandé par Gérald Bronner en réponse à cette évolution, est une nécessité. Mais la temporalité de telles mesures (non encore adoptées par ailleurs), n’est clairement pas celle du développement des réseaux sociaux dans presque tous les aspects de nos vies. Et les dégâts sont déjà largement perceptibles.

 

Ce fossé est donc inter-temporel (on ne peut même pas dire inter-générationnel, tant il traverse les différentes générations, pas de la même manière, mais presque personne n’est épargné) et touche à la gestion de l’information via les réseaux sociaux et les algorithmes qui les animent. Les premiers étant le support, les seconds la manière d’organiser l’information, les deux étant indissociables compte tenu de la masse d’information nouvellement crée. Avant, la gestion de l’information était verticale, principalement le fait des médias et des lignes éditoriales qui sélectionnaient les sujets et informations qui intéressaient leur lectorat, mais les analysaient également ou les mettaient en forme. D’une certaine manière, elle était le reflet de la structure de la société d’avant les années 90, organisée en grands groupes d’intérêts. Celui ou celle qui voulait avoir le même type d’informations pouvait ne faire appel qu’à un média, ceux qui souhaitaient avoir plusieurs points de vue pouvaient en consulter plusieurs. Mais surtout, les médias les plus influents étaient (sont toujours d’ailleurs, bien qu’ils aient perdu en influence) généralistes et proposaient souvent des contenus différents, amenant à une forme de sérendipité informationnelle. En gros, on découvrait de nouvelles choses hors de notre zone d’intérêt parce que les médias nous les proposaient. La profession même de journaliste était très différente de ce qu’elle est aujourd’hui … notamment en termes d’éthique (sensationnalisme, impact potentiel des sujets sélectionnés) et de temporalité (vérification, interprétation). 

 

La génération Internet, à l’aube des années 2000, a apporté une première brique de changements au marché de l’information. Dorénavant, tout le monde pouvait participer à l’édition d’information, et le succès des blogs commençait à dessiner cette massification des contenus. Mais il fallait tout de même y passer du temps, s’y impliquer, … . Mais surtout, c’est la manière de trouver l’information via Internet qui était différente. C’était l’époque de domination des moteurs de recherche et de Google, ayant développé l’algorithme de recherche le plus efficace. S’il s’agit de gestion algorithmique de l’information, elle est très différente de celle des réseaux sociaux, puisque nécessite une recherche préalable, donc une curiosité de la part de l’utilisateur (approche bottom-up). Les résultats sont également plus susceptibles de proposer des points de vue différents sur les sujets de recherche. Bref, bien que cette première phase de révolution de l’édition et l’accès à l’information fut rapide, l’impact qu’elle a eu me semble moindre qu’avec la montée en puissance des réseaux sociaux. 

 

Car avec les réseaux sociaux, certains aspects de cette première révolution de l’information sont renforcés, d’autres carrément renversés. Le renversement, justement, est celui qui me semble le plus problématique, à plusieurs titres. L’approche bottom-up des moteurs de recherche est transformée en une approche top-down via les réseaux sociaux. Dans le premier cas, la curiosité de l’utilisateur est requise. Dans le second, le contenu est apporté via le fil, et il n’y a donc même plus besoin d’exprimer un besoin d’information pour la recevoir. Juste de paramétrer ses centres d’intérêts, puis l’algorithme affine par la suite les sujets proposés en fonction, notamment, des réactions aux informations préalablement consommées. Ce renversement est lourd de conséquences, et le succès de la formule en dit également long sur notre volonté collective penser l’information et sa recherche avant de la consommer. Là où internet ouvrait un champ des possibles très large en termes d’accès aux savoirs et à l’information mais requérant une curiosité préalable, il semblerait que nous préférions nous en tenir à ce que les plateformes nous servent, à la manière d’une chaine de télévision. 

 

Second changement, le réseau social devient le média, là où le moteur de recherche n’était que le moyen d’y accéder. Ici encore, le changement est lourd de conséquences. Car l’algorithme qui nous propose l’information à un objectif bien différent que celui des moteurs de recherche. Ici, l’idée est de conserver l’utilisateur le plus longtemps possible sur la plateforme. Pour reprendre l’expression de Bronner, ce qu’elles souhaitent est de s’accaparer un maximum de « temps de cerveau disponible » de ses utilisateurs. C’est en partie ici que réside le problème de l’algorithmie des réseaux sociaux, car leur objectif est de rendre addict. Et pour ce faire, quoi de mieux que de renforcer des croyances et/ou une représentation du monde préexistante ? Si on y ajoute que l’interaction sociale, via les likes et autres réactions, est physiquement addictive (via la dopamine : https://www.crnl.fr/fr/actualite/dopamine-comment-applis-piegent-notre-cerveau), la recette est parfaite pour les plateformes. Moins pour les utilisateurs ou les sociétés. C’est de cette manière que la société se réorganise, en une infinité de petits groupes partageant une vision du monde bien spécifique, et surtout ont l’impression que tous les individus pensent et voient le monde comme eux, puisque la seule information qui leur parvient le leur indique. Mais c’est également comme cela que la société se polarise et s’extrêmise. Et que nous nous éloignons de la possibilité de « faire société », sereinement, d’entrer en contact avec l’altérité, de la comprendre et de se forger une représentation du monde équilibrée. Bref, tout ce qui est nécessaire en démocratie.

 

Troisième changement, l’édition de contenus via les réseaux sociaux devient extrêmement simple, et il n’est plus nécessaire de penser, réfléchir ou argumenter. Il suffit de poster. Qu’il s’agisse de choses insignifiantes, telles que des photos de soi ou de ses animaux de compagnie, de préceptes inspirants ou d’idée plus développées, il n’a jamais été aussi facile de s’exprimer « publiquement ». La conséquence ? une explosion (Cf. source statista ci-dessus) de la quantité de contenus accessible. Mais vient alors un autre problème, c’est que ce n’est pas la part de contenus de qualités qui augmente (qui demande du temps à produire), mais bien du contenu à faible valeur ajoutée quand il ne s’agit pas de réédition des mêmes messages qui ont eu du succès antérieurement. Et comme on dit vulgairement, « trop de choix tue le choix ». C’est ici que réinterviennent les algorithmes qui jouent un également un rôle sélection et de promotion des contenus et informations. On pourrait très bien voir comme positif le fait que tout un chacun puisse avoir droit au chapitre, s’exprimer en public, même si les propos ne sont pas toujours intéressants. On pourrait y voir une horizontalisation bénéfique de la société, une démocratie numérique étendue. Mais ce n’est pas de cette manière que les réseaux sociaux et leurs algorithmes trient et organise la quantité pharaonique de contenus. Ce qui se dessine semble plutôt être une concentration toujours plus grande de la visibilité de quelques acteurs, et un moindre partage des prétendants toujours plus nombreux, qui doivent continuer de rêver à cet idéal de démocratie numérique pour continuer d’utiliser ces mêmes plateformes. Et le corollaire, un nivellement par le bas des contenus et informations, se devant d’être plus simples, de faire appel aux émotions, … quand bien même celui ou celle qui s’exprime aurait bien plus (et bien plus intéressant) à dire. 

 

Désolé, cette partie est un peu longue, mais ce fossé mérite une plus grande attention, tant il impacte presque tous les autres.

 

 

E. Le fossé des valeurs

 

Ce fossé s’est dessiné au cours des 30 dernières années, et résulte d’une société qui devient toujours plus transparente, où tout le monde s’exprime et où tout ce qui a été dit ou écrit laisse des traces. Mais également du développement de la société des savoirs et d’une meilleure appréhension de l’altérité. Le terme qui revient souvent pour le nommer est « politiquement correct ». Il décrit d’ailleurs assez bien ce fossé dans la mesure où ce sont des personnes exposées (politiquement, économiquement, socialement) qui se doivent de faire attention à ce qu’ils disent pour ne pas écorner leur image auprès d’individus qui se sentiraient blessés ou indignés par leurs propos. Et il y a une forme de logique. Tout le monde pouvant s’exprimer, tous ceux qui font preuve d’empathie sont en capacité de comprendre en quoi certains propos peuvent être blessants et ne sont pas à tenir. C’est une évolution de la société qui tient également à l’idéal démocratique, au vivre ensemble. Et ces « nouvelles » valeurs sont en réalité une extension des valeurs humanistes.

 

Sauf qu’il y a 30 ans, cette attention était bien moindre. Et de nombreux termes ou discours considérés aujourd’hui comme insultants ne l’étaient pas à l’époque. Cela pouvait tenir de la plaisanterie, mais c’était avant tout un manque de confrontation à ceux qui pourraient se sentir blessés par de tels propos. Surtout, une bien moindre fraction de ce qui était dit à l’époque laissait des traces et compromettait les personnages publics.

 

Cette attention accrue, signes d’une société progressiste, est perçue en miroir par certains comme une forme de censure. Et le fossé des valeurs qui se dessine ici est celui du progressisme face à la « tradition ». Le distinguo entre ce qui est dit en privé et ce qui est dit en public ne semble pas entrer en considération. Mais le résultat est une exacerbation de l’attitude de ceux souhaitant « faire comme avant », mais qui en réalité vont bien plus loin qu’avant et font bien pire. Comme une manière de marquer son identité en assumant des propos qui, par le passé, n’auraient peut-être même pas été prononcés en privé. Peut-être d’ailleurs que de tels propos ne seraient pas plus prononcés face à l’altérité dans le monde réel et non numérique d’aujourd’hui. Une manière de marquer sa différence, d’ancrer sa personnalité de manière antagoniste vis-à-vis de ce qui semble être une norme, bien qu’il ne s’agisse en réalité que de la conséquence de l’exposition des personnages publics dans un monde où l’information circule très rapidement, sans limites géographiques et où tout le monde peut « participer » en retour. Mais également de la volonté des personnes publiquement exposées, de rallier un maximum d’individus à leurs discours.

 

Ce qui est intéressant, c’est que cette « contre-culture » qui s’organise autour de valeurs « traditionnelles », mais qui ne favorise pas la vie en société au sein de communautés larges à minima, semble être un signe de l’horizontalisation de la société amenée par les médias sociaux. Car l’exposition des personnes qui tiennent des propos considérés comme « politiquement corrects » ne semble pas inférer dans l’analyse que leurs contradicteurs en font (le « dogme »). Alors que c’est cette même exposition qui explique à la fois l’aseptisation des propos (on ne sait pas ce que ces personnages pensent en privé) et leur forte visibilité sur les médias sociaux. Là où les autres personnes de leur réseau, non exposées publiquement (mais pouvant avoir un certain écho), ne vont pas avoir la même retenue. L’horizontalisation intervient donc encore ici, faisant « oublier » la différence de statut des personnes qui s’exprime, les enjeux de leurs discours et faisant penser à une censure que certaines personnes non publiquement exposées vont s’empresser de « pourfendre ». Avec pour objectif de rejeter cette supposée censure, de marquer sa personnalité en opposition à « l’ordre établi » en revendiquent de pouvoir faire « comme avant ». Sauf qu’avant, les propos qu’ils tenaient n’étaient pas publics, contrairement à aujourd’hui. Ils étaient également probablement moins invectifs et plus humoristiques (bien qu’exprimant des biais de perception peu humanistes et faiblement empathiques, souvent liés à un manque de contacts avec l’altérité).

 

Ce qui en résulte, c’est un fossé qui se creuse entre les tenants de cette contre-culture et le reste de la société. Via une dégradation de l’image générale de ces personnes pour lesquelles le respect d’autrui ne semble pas une préoccupation. Peut-être que ce fossé existait déjà préalablement. Mais si c’était vraiment le cas, il n’était pas visible. Je reste persuadé que l’attachement identitaire à l’idéal « tradition » vs « progrès » joue également un rôle important et accroit ce marqueur social, rendant le fossé plus saillant qu’il ne l’était par le passé. La mauvaise perception de ce qu’est le « politiquement correct » (que ces mêmes pourfendeurs suivraient un minimum s’ils étaient publiquement exposés), accroit à mon sens également ce sentiment de dogme et la volonté de s’inscrire en faux. Quoi qu’il en soit, le résultat est là et il nous éloigne toujours plus du vivre ensemble, base essentielle de toute démocratie.

 

 

F. Le fossé géopolitique

 

Initialement, je ne pensais pas inclure ce fossé tant l’analyse était focalisée sur les évolutions de « notre » société. Mais c’eut été une erreur, car si les relations géopolitiques se sont tendues et dégradées ces dernières décennies, nous avons refusé (et refusons parfois encire d’en saisir les enjeux) de voir cette nouvelle réalité qui se joue en partie en dehors de nos frontières. En atteste l’aveuglement collectif que nous avons eu vis-à-vis de la Russie, qui n’a pas commencé sa politique expansionniste avec le début de la Guerre en Ukraine. Tout cela a commencé bien avant, avec l’annexion de l’Ossétie du nord en Géorgie (2008). Le modus operandi s’est répété au sein de plusieurs pays de l’ex-Urss (dont l’Ukraine avec l’annexion de la Crimée, puis du Dombass), et nous n’avons tout de même pas cru à la possibilité d’une guerre avant son déclenchement.

 

Cette nouvelle réalité que nous ne voulons pas voir est un monde multipolaire, héritage de la fin de la guerre froide, période à laquelle nous avons collectivement pensé que le modèle démocratique, les valeurs progressistes, les sociétés du savoir, … (en fait presque tous les fossés que nous avons étudiés jusqu’ici) allaient s’imposer naturellement et apporter aux populations du monde entier liberté et prospérité. Que les conflits étaient derrière nous et que la guerre était une lubie d’une autre époque. Que tous les pays du monde avaient suffisamment de préoccupations intérieures pour ne pas avoir des velléités d’expansion ou d’influence auprès des autres pays. En somme, que c’était « la fin de l’histoire » pour reprendre le titre du livre du philosophe américain Francis Fukuyama (https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Fin_de_l%27histoire_et_le_Dernier_Homme).

 

Rien n’était plus faux. Mais nous baignons encore dans cet état d’esprit optimiste mais un tantinet naïf.

 

Ce faisant, nous laissons plus ou moins libre cours à d’autres puissances de ce nouveau monde multipolaire qui eux ne partagent pas ce modèle démocratique et progressiste. Et le problème est que l’idéal démocratique est aisément corruptible par ceux qui ne le respectent pas. 

 

C’est-à-dire que des sociétés fermées (l’accès à l’information est centralisé) et autoritaires (pas de liberté de choix de ses dirigeants, la liberté d’expression est très limitée), disposent d’un avantage concurrentiel vis-à-vis de sociétés démocratiques. Cet avantage s’exprime au travers de la possibilité de transmettre librement des informations et des idées au sein des sociétés ouvertes et progressistes (c’est le principe même de l’ouverture et du progrès). Mais la réciproque n’est pas valable. Dans ce jeu géopolitique multipolaire qui se dessine, les modèles autoritaires ont vite compris l’avantage que cela pouvait donner. Qu’il s’agisse de valoriser leur modèle de société (à destination de leurs propres habitants) par rapport aux sociétés « décadentes » ou d’orienter l’opinion publique des sociétés ouvertes à dessein (géopolitique ou commercial), il serait dommage de se priver de cette possibilité unilatérale qui ne présente que des avantages à celui qui l’utilise contre des sociétés ouvertes.

 

Autre désavantage concurrentiel, les sociétés ouvertes sont fondées sur le mode de pensée critique (je me réfère ici à Karl Popper : https://en.wikipedia.org/wiki/The_Open_Society_and_Its_Enemies) à l’inverse des sociétés fermées qui fonctionnent sur le mode de pensée dogmatique. Le mode de pensée critique est celui sur lequel la société du savoir est fondée. Selon Popper, ne peuvent être qualifiés de scientifiques que les énoncés qui sont réfutables (quel que soit le type de science). La réfutabilité des théories devient le principal critère de scientificité (et est toujours majoritairement appliqué à ce jour). Or, si ce principe gouverne effectivement la plupart de nos instances démocratiques (au-delà du seul domaine scientifique, le débat et la confrontation d’idées sont des fondements essentiels pour faire société), il n’est pas toujours bien compris. Pour nombre d’individus, des énoncés qui laissent la place au doute et à la critique sont faibles et non aisément compréhensibles. À l’inverse d’assertions dogmatiques qui offrent une représentation du monde simple dans laquelle on peut plus facilement se reconnaitre. De plus, la culture de la critique et du doute laisse la place à tout type d’énoncés qui ne sont pas rationnellement fondés, à l’inverse de ce qu’il se passe au sein de la société des savoirs ou même des instances démocratiques.

 

Le terreau est donc particulièrement fertile pour voir émerger de multiples interprétations du réel, des conspirationnismes, en passant par un détournement des faits observables et nous amenant tout droit vers un monde de post-vérité. Dans lequel s’engouffrent aisément les sociétés fermées qui y voient un instrument de géopolitique non réversible vis-à-vis des sociétés ouvertes. En somme, ce qui rend nos sociétés démocratiques innovantes et progressistes est donc également ce qui les rend fragiles vis-à-vis des autres modèles de société fermées.

 

 

Conclusion : 

 

Le tableau que je dépeins ici ne se veut pas exhaustif, mais constitue un essai de mise en cohérence de divers aspects (fossés) de nos sociétés modernes, qui fragilisent l’idéal démocratique. Pour la plupart, ils ne sont pas nouveaux et ont déjà fait l’objet de développements et d’études. En ce sens, ils traduisent une forme d’optimisme vis-à-vis de l’universalité de cet idéal. Certains fossés étaient perceptibles depuis longtemps mais n’ont pas (suffisamment) fait l’objet de notre attention et d’une volonté de les combler lorsque c’était possible bien entendu.

 

Encore une fois, je ne pense pas que le phénomène soit uni-factoriel, d’où l’intérêt d’une compilation de ce type. Car ce qui caractérise le phénomène, à mes yeux, est bien sa complexité due à la multi-factorialité et aux interconnexions entre eux.

 

Ce que je n’ai pas encore effectué, par contre, mais qui serait encore plus intéressant, serait d’établir des liens entre ces différents aspects (au-delà du seul schéma que vous trouverez ci-dessous), qui sont nombreux et complexes. Ils pourront faire l’objet de développements ultérieurs (sentez-vous libre de les développer !) et nous permettront probablement de mieux appréhender cette situation complexe, afin de défendre au mieux l’idéal démocratique.

 

 

 

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