Vers une nouvelle science économique ?

Par François GALVIN  •   Publié le jeudi 19 décembre 2024
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L’économie est une science humaine et sociale (SHS) mais bénéficie d’un statut un peu différent des autres, qui tend à la rapprocher des sciences « dures ». Déjà, elle est utilisée par de nombreux décideurs, qu’ils soient responsables politiques ou dirigeants de structures privées. Ensuite, nous en subissons tous les conséquences directes ou indirectes, par exemple lorsqu’une crise financière survient (c’est-à-dire, lorsqu’il y a un problème). Enfin, elle fait plus appel que les autres SHS aux mathématiques, langage du raisonnement logique. Ces trois « spécialités » sont quelque part liées entre-elles : c’est parce que l’économie est utilisée par les décideurs qu’on en subit les conséquences. C’est probablement également de ce fait qu’elle s’exprime beaucoup en langage mathématique.

 

Quoi qu’il en soit, l’économie est plus visible que les autres SHS. Surtout quand quelque chose ne se passe pas bien, lors des crises financières par exemple. La lumière est braquée d’un coup sur les décideurs qui se défaussent sur les travaux qui ont guidé leurs décisions. Et apparait au grand jour les limites de ces travaux, qui n’ont pas su empêcher la catastrophe. À ce titre, la crise des Subprimes de 2008 a été un révélateur, bien aidé par l’ouverture du marché de l’information amenée par Internet et les réseaux sociaux. Nombreux sont ceux qui pensaient (ou travaillaient) déjà différemment du courant principal de pensée économique à s’exprimer – et surtout à devenir audibles. Mais il y en a aussi qui ont exprimé des critiques de l’intérieur, faisant partie de ce courant de pensée principal. Et d’autres encore, qui ont développé des champs de recherche croisée entre différents domaines de sciences sociales (la psychologie et l’économie par exemple) pour enrichir, mais également quelque part affaiblir le consensus de l’époque.

 

Ce consensus (qu’on le nomme tout de même !), c’est l’économie néo-classique, qui fait la part belle à des modèles relativement simples de fonctionnement de l’économie, reposant sur des présupposés un peu grossiers. Comme par exemple la rationalité des agents économie (entendez, « nous cherchons tous à maximiser notre profit), l’équilibre « naturel » d’un marché sans entrave (« pur et parfait ») ou encore la substituabilité des facteurs de production. Mais au-delà de l’aspect idéologique (le rôle de l’Etat est assez minime), ce fonctionnement relativement simple et ces postulats permettent également la formalisation du fonctionnement de l’économie au travers du langage mathématique, via des modèles et/ou des fonctions. Lorsqu’un modèle est dit « d’équilibre », il admet une ou plusieurs « solutions » (en général des prix) qui permet la résolution des équations du modèle. En ce sens, la modélisation « à l’équilibre » se rapproche d’un théorème mathématique que l’on démontrerait. Dans le monde des humains, cela signifie que le marché étudié (ou l’économie dans son ensemble pour les modèles d’équilibre généraux) devient alors « à l’équilibre », ce qui implique une allocation optimale des ressources sur ce marché : Les producteurs vendent toute leur production et les consommateurs l’acquièrent avec envie, à un prix qui satisfait tout le monde ! Pas de perte, pas de frustration, tout le monde est content. 

 

Vous vous en doutez, pas besoin d’attendre de crise financière pour voir les limites d’une construction aussi abstraite. D’un point de vue concret, évidemment, aucun marché ne fonctionne exactement comme cela. Même les marchés financiers qui se rapprochent d’un fonctionnement « parfait » au sens classique du terme ne présentent pas de telles caractéristiques. 

 

Aujourd’hui, bien qu’il n’y ai pas eu de nouvelle crise financière de grande ampleur depuis 2008, les critiques de ce modèle dominant continuent de se développer. Notamment dans le cadre des grands enjeux auxquels l’humanité est aujourd’hui confrontée, au premier rang desquels se logent le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Car aucun de ces modèles n’inclut, par exemple, un capital naturel ou CO2. Ce faisant, ils sont un peu responsables de la situation … mais sont aussi utilisés pour essayer de la résoudre. Ainsi, les travaux du GIEC incluent des modélisations économiques « classiques », adjointe de fonctions de dommages qui viennent rectifier (diminuer) le niveau de production (PIB) en fonction des scénarios. En fait, il semble que nous ne disposions pas d’outil de substitution, et que nous tentions de « patcher » les défaillances de ces outils a posteriori.

 

Mais cette explication ne me semble pas suffisante. Et après la lecture de cette note d’Alain Grandjean (https://alaingrandjean.fr/economie-environnementale/refonder-macro-economie/2024/12/la-nature-au-coeur-du-raisonnement-economique-lemergence-dune-nouvelle-macroeconomie/#_ftnref49) consécutive à une « proposition » du FMI de fonder une nouvelle macro-économie (l’outil de substitution qu’il nous manque en somme), j’ai l’impression qu’on ne porte pas assez d’attention aux raisons qui font que ces anciens outils sont tant utilisés. Deux phrases notamment, ont attiré mon attention, sur les raisons de leur utilisation : 

 

« Nous les utilisons (les modèles classiques) parce qu’ils sont les seuls approuvés par les revues économiques internationalement les plus reconnues au plan académique, ce qui leur donne une prééminence institutionnelle, renforcée par la puissance des économistes[14] qui les prescrivent ou s’en servent.

Nous les utilisons aussi pour le confort intellectuel apparent qu’ils apportent en étant capables de fournir des chiffres, qui font illusion ; et enfin en raison du coût élevé (et du délai nécessaire) de mise au point de nouveaux outils. »

 

Je penche plus pour la seconde explication que la première, mais elles méritent plus que deux phrases. Et je vais tenter de développer les raisons qui amènent à l’utilisation, en économie et en finance, de modèles que nous savons erronés. Car quand bien même nous inventerions un modèle parfait, encore faudrait-il qu’il soit utilisé …

 

Ensuite, je capitaliserai sur ce développement pour tenter de dessiner les outils économiques de demain, ou du moins les exigences qu’ils devraient remplir pour être adoptés et surtout utiles.

 

 

En quête de vérité ou d’efficacité ?

 

Les sciences sociales, mais l’économie en particulier, ont ceci de particulier qu’elles attraient autant à la recherche de vérité que d’efficacité. En science physique par exemple (comme dans toutes les sciences « dures »), vérité et efficacité se confondent. L’utilisation de règles physiques par un ingénieur ne les modifie pas. Il ne peut d’ailleurs pas s’en libérer. Cela facilite considérablement l’exploitation des découvertes scientifiques par des développements concrets. 

 

En sciences sociales, c’est un peu différent. L’objet de l’étude est également l’observateur/évaluateur. Il n’y a pas d’indépendance entre les deux (ce que l’on peut appeler la réflexivité). Et la conséquence principale est que les découvertes (la « vérité ») sont susceptibles de modifier les comportements et de changer l’état du monde que l’on souhaitait comprendre. Donc il n’y a pas de « vérité » intemporelle. 

 

Ces considérations ont fortement influencé la sociologie par exemple, mais pas pour le meilleur à mon sens (développements d’idées purement intuitives, non vérifiées empiriquement). Elles ont aussi remis en cause la méthode scientifique (la réfutabilité de Karl Popper) appliquée aux sciences sociales. C’est d’ailleurs un des élèves de Popper, le financier Georges Soros, qui a développé ce schisme vérité/efficacité que j’utilise ici. Mais également la notion de réflexivité qui gouverne les sciences sociales et qui, couplée au principe d’incertitude humaine, nous éloigne de la possibilité d’atteindre la « vérité » et par là même, l’efficacité en appliquant les recherches.

 

Car contrairement à de nombreuses sciences humaines et sociales, l’économie est, comme nous l’avons vu en introduction, faite pour être mise en pratique. Elle ne vise pas qu’une meilleure compréhension du monde dans lequel nous vivons, mais également son « optimisation » via la politique économique. Ce faisant, elle revêt les ambitions des sciences « dures », sans pour autant pouvoir les atteindre de manière aussi précise. Et je pense qu’ici réside une grande partie du problème de l’utilisation des modèles défaillants en économie comme en finance. 

 

En effet, ces modèles donnent la perspective d’efficacité opérationnelle à ceux qui les utilisent. Les modèles d’équilibre, particulièrement, donnent l’idée de maitrise du fonctionnement systémique de l’économie. Plus précisément et comme nous l’avons vu en introduction, mathématiquement, un modèle d’équilibre admet une (ou plusieurs) solution(s). Un modèle en déséquilibre n’offre pas les mêmes atouts. Par contre, il décrit beaucoup mieux le fonctionnement réel du système étudié. Il est également beaucoup plus complexe à modéliser, puisque le système ne se résout pas, mais décrit des fluctuations. Ces fluctuations se trouvent généralement autour de ce prix d’équilibre théorique, les modèles de déséquilibre prenant souvent comme base les modèles d’équilibre et cherchant des modélisations des fluctuations réelles des prix.

 

C’est ici qu’il convient de se mettre à la place de ceux qui utilisent les recherches en économie et en finance. Ils doivent prendre des décisions complexes, dont ils assumeront les conséquences. Autant que faire se peut, ils essaieront logiquement de ressembler plutôt à un ingénieur appliquant les lois de la thermodynamique qu’à un apprenti sorcier utilisant quelques formules obscures. Et je pense que c’est justement dans la prise de décision que repose le succès de modèles défaillants. 

 

En effet, la manière qu’ont les décideurs d’utiliser les savoirs scientifiques reste la même que pour les autres sciences : il faut un formalisme ayant attrait à la « perfection », à la connaissance de la vérité qui se traduit souvent par la modélisation d’équilibre. Ils donnent la possibilité d’entreprendre des actions relativement simples et d’en attendre des effets « vrais » compte tenu du fait que la modélisation se « résout ». Et c’est cela qui pousse le décideur entreprendre l’action correspondante, dont le résultat est décrit par le modèle. Si on propose une alternative qui décrit mieux la réalité (vérité) mais présente plus d’incertitude, il y a fort à parier que le décideur choisisse l’option qui lui semble limiter l’incertitude. Bien que tout cela soit totalement fictif, puisque ce qui limite l’incertitude est également une représentation grossière de la réalité. Mais pour le décideur, qui n’est pas un chercheur, ce qui va lui importer est l’efficacité ainsi que la rationalité dans la prise de décision. Et à ce titre, les modèles classiques lui facilitent le travail.

 

Le même phénomène se produit en finance, qu’il s’agisse de pricing de produits financiers ou de modélisation des risques bancaires. Avec les mêmes objectifs, c’est-à-dire avoir à disposition un outil que l’on peut mettre en œuvre relativement aisément et en attendre des résultats opérationnels. Mais qui génère également une forte instabilité lorsqu’il se révèle défaillant, participant à la formation de crises financières notamment.

 

Il s’agit en fait d’un double problème : d’un côté l’attente d’efficacité, de l’autre l’attente d’un formalisme qui donne l’impression de maitrise de la vérité. Indirectement, qui donne une méthode que l’on peut transmettre, par exemple à des étudiants en finance. Peut-être que des financiers autodidactes à succès, par exemple, pourraient former ces mêmes étudiants, mais ils ne pourraient probablement pas formaliser les raisons de leur réussite (et donc transmettre à un grand nombre de la même manière). À ce sujet, Georges Soros préfère parler d’alchimie que de science pour qualifier la finance. Mais bien que son œuvre, l’Alchimie de la Finance, soit passionnante, elle ne pourrait en aucun cas se substituer à un cours de finance enseignant la formule de Black and Scholes pour établir le prix d’options. En tout cas telle que la finance est enseignée aujourd’hui …

 

 

Entre élégance mathématique et illusion de contrôle.

 

Si l’on remonte le fil que nous avons déroulé, voilà de manière plus détaillée ce qu’offrent les modèles classiques en économie aux décideurs et aux chercheurs :

 

L’élégance mathématique : la recherche de solutions formelles, démontrées, à un modèle censé décrire le fonctionnement de l’économie (ce que l’on pourrait presque appeler un théorème). Les mathématiques sont le langage de la logique. Les travaux mathématiques qui n’admettent pas de solution, qui ne sont pas démontrables et sont plus descriptifs (ce qui est) que normatifs (ce qui doit être), ne bénéficient pas du même écho ni de la même reconnaissance. Benoît Mandelbrot, mathématicien français dont les travaux sur l’évolution des prix des actifs financiers ont été longtemps raillés, en est un bon exemple (Fractales, hasard et finance ; 1997). De plus, les modèles qui ne revêtent pas l’habit normatif sont en général plus complexes à explorer. Mais n’oublions pas que nous parlons ici d’économie, et que la beauté des mathématiques pures ne vaut pas grand-chose, tant du point de vue la vérité (ce qui est vrai mathématiquement/logiquement, ne l’est pas forcément réellement, compte tenu de la barrière sémantique et de la complexité des phénomènes observés), que de l’efficacité (un modèle équilibré qui ne se vérifie pas empiriquement est de piètre utilité).

 

L’illusion de contrôle : cet aspect est valable quel que soit le modèle, dès lors que l’on veut formaliser le fonctionnement de faits sociaux / humains, tels que l’économie, via le langage mathématique afin d’en assurer la logique formelle. Par exemple, les fonctions de production ne sont pas des modèles d’équilibre (elles sont également beaucoup utilisées), mais ne sont pas exemptes de biais. Le problème est que pour passer du langage sémantique au langage mathématique (et du réel observé aux équations), il est nécessaire d’introduire des abstractions qui simplifient énormément le réel que l’on cherche à décrire de manière formelle. Ceci tient à la fois à l’extrême complexité des parties prenantes de toute situation sociale : un prix ne se résume pas à la confrontation entre une offre et une demande, même sur des marchés « presque parfaits ». Mais également à la structure même des faits sociaux, c’est-à-dire leur réflexivité : quand bien même un prix se résumerait à une offre et une demande, l’offre et la demande « précédente » influe sur la présente, créant des boucles de rétroaction - réflexives - dans la formation des prix – ce qu’étudient par ailleurs des modèles de déséquilibre, notamment le modèle Cobweb.

 

C’est donc assez logiquement que les modèles d’équilibre, dont on sait qu’ils sont intrinsèquement réducteurs voire défaillants, sont encore aussi largement recherché (en amont) et utilisés (en aval). La recherche dépendant évidemment des besoins d’utilisation en aval. Pour les chercheurs, il concrétise la logique du raisonnement, il permet un champ de travail presque infini d’amélioration des modèles précédents, il permet de s’assurer de la transmission de ses découvertes, facilite leur utilisation, est un prérequis pour obtenir des prix, … . Mais en contrepartie (ils sont de plus en plus nombreux à le reconnaitre) ils sont conscients des limites des modèles utilisés et les stipulent. En bref, ils savent que la « vérité » que reflètent leurs modèles est très partielle.

 

De l’autre coté pourtant, les utilisateurs des recherches sont plus pragmatiques (en amont uniquement) et ont besoin d’applications pratiques relativement aisées à mettre en œuvre, donnant une impression de maitrise (qui ne requiert pas de détenir « la vérité », le formalisme suffit), partageable et enseignables, ce qui concourt à l’impression de maitrise. Ils sont en quête d’efficacité (à minima lors de la prise de décision) mais pas de vérité (qui pourrait se traduire par un backtesting des modèles utilisés). C’est l’aspect « vrai », avec les autres avantages du formalisme, qui amènent les décideurs à vouloir des modèles classiques. Ce afin de leur faciliter la décision. Pour autant, l’efficacité n’est pas toujours atteinte In Fine, mais ne remet pas en cause l’utilisation de l’outil.

 

Le « problème » est donc complexe et explique les défaillances opérationnelles, qu’il s’agisse de prévention de crises financières, de prévisions économiques ou d’adaptation économique au changement climatique.

 

 

Quelles alternatives ?

 

Nous avons vu jusqu’ici les raisons qui amènent des modèles défaillants à être toujours utilisés. Qui pourrait se résumer à « faute de mieux », un peu à l’instar du PIB comme outil d'évaluation de l’économie au niveau national. Et disons le d’entrée, nous ne disposons pas à ce jour d’outil de substitution. 

 

Mais comment pourrait-on construire ce « mieux » ?

 

Pour démarrer, prenons les propositions du FMI commentées par Alain Grandjean (lien en intro), puis confrontons les aux raisons qui semblent régir le succès des modèles classiques afin de voir s’ils seraient en mesure de proposer une alternative séduisante aux décideurs. Ce qui ressort des propositions du FMI, en substance, c’est l’abandon des fonctions de production pour projeter le PIB, une redéfinition de la productivité et une remise en cause des bienfaits du libre-échange. Et de manière plus « concrète », « redéfinir ensemble les valeurs essentielles », « éliminer les activités économiques nuisibles » ou encore « conduire des recherches sur les implications de la perte de nature pour la viabilité de la dette publique ». 

 

Si tout cela semble une base pour construire le « mieux », on est loin d’outils que les décideurs pourraient s’approprier pour arbitrer leurs choix économiques et financiers. On ne décide pas ex nihilo d’éliminer une activité par exemple, en tout cas pas dans une société démocratique. Et de telles « préconisations » sont très éloignées de la réalité pratique d’un décideur, qui se voit confronté à des pressions de toutes parts dès qu’un arbitrage budgétaire désavantages certains acteurs. Alors imaginez décréter « l’élimination d’un secteur d’activité », fut-t-il considéré comme néfaste … 

 

L’auteur de l’article ajoute quelques éléments plus concrets, tels que le recours non pas à des prévisions, mais à des scénarios qui dessinent, dans les grandes lignes, un avenir possible. Ainsi que le recours à des modèles inspirés d’autres corps de science tels que la biophysique (les toy models) en mettant l’accent sur l’importance de les confronter aux données empiriques.

 

En l’état actuel, tout cela semble bien vague et trop qualitatif. En tout cas, trop pour que des décideurs s’en saisissent. Mais cela pourrait inspirer des recherches pour fournir des outils quantitatifs.

 

Justement, prenons un peu de recul pour dessiner les caractéristiques que devraient avoir de tels outils, pour à la fois être utilisés par les décideurs, tout en évitant l’écueil de l’inefficacité opérationnelle.

 

Je vois trois grandes orientations que devraient prendre ces modèles d’aide à la décision :

 

  • Une approche « opérationnelle » fondée sur l’efficacité, non pas de la prise de décision, mais de ses conséquences. Il n’y a pas d’autre possibilité si l’on veut des outils utiles. Ce qui implique, à l’instar de ce que préconise Alain Grandjean, une plus grande utilisation des data (passées), ainsi que des simulations plus nombreuses pour tenter de couvrir différents scénarios. Pour se rapprocher du réel, ces modèles se devraient d’être plus descriptifs que normatifs, compte tenu de l’impossible maitrise de la vérité en économie. Ce faisant, plus de temps de travail serait accordé à affiner et complexifier les modèles, puis à les backtester et simuler, et moins à établir les causalités de manière formelle.

 

  • En même temps, il faudra que ces outils soient suffisamment précis pour prendre des décisions économiques et financières, ainsi que pour pouvoir être partagés. À ce titre, l’utilisation des mathématiques n’est pas à proscrire, loin de là. Mais il faudra l’utiliser pour ce qu’il est : un langage formel fait par et pour l’humain. Et non une formule magique qui retranscrit l’état du monde par sa perfection et qui se substitue à la réflexion du décideur. Exit la cherche d’équilibres, les modèles qui réduisent trop le réel et se reposent sur des hypothèses bien commodes telles que l’accroissement sans fin de la productivité (et de la croissance). Bienvenue aux modèles complexes et dynamiques qui tentent de représenter les déséquilibres permanents qui s’entrechoquent dans le chaos des interactions humaines.

 

  • Une évolution est également nécessaire au niveau des décideurs. Dans un monde en changement perpétuel, et qui risque de l’être de manière plus rapide encore, une plus grande implication dans les décisions sera nécessaire. C’est à dire que l’efficacité dans la prise de décision devra diminuer (le rôle de décideur sera encore plus important et le temps passé à étudier les options le sera tout autant). Mais également, une prise de risque à assumer compte tenu de l’impossible vérité de la science économique, qui se traduira par des expérimentations grandeur nature et des itérations. À nous également, en tant que « public », de ne pas en attendre trop. Tant de la science économique que des décideurs. D’accepter l’erreur potentielle afin d’inciter ce type de comportement itératif et surtout de ne pas brider le décideur dans une approche qui lui semblera plus formelle, plus familière, mais beaucoup moins efficace In Fine. 

 

Il est, je pense, essentiel de garder ces caractéristiques pour concevoir les outils économiques de demain. Tenir compte des défaillances passées, de l’usage qui en sera fait tout en habituant les décideurs à assumer leurs décisions et s’adapter en environnement incertain. La clé d’une nouvelle science économique pourrait bien résider à l’intersection de ces trois contraintes. Non pas en rupture totale comme certains l’appelle, mais dans une continuité pragmatique en amont et en aval de la recherche.

 

À défaut, nous continuerons d’invoquer de belles et grandes idées qualitatives, mais qui ne feront bouger les lignes qu’à la marge, tant elles sont inexploitables par les décideurs.

 

Il est grand temps de concevoir réellement ces outils et de dépasser les belles idées.

 

 

 

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