Les grands enjeux de la distribution financière
La distribution financière française fait face à deux enjeux majeurs.
1. La baisse des coûts
La distribution financière, longtemps chasse gardée des grandes institutions financières (banques, assurances), s'est peu à peu démocratisée par l'intermédiaire de distributeurs "indépendants", d'abord des CGP puis des acteurs internet, disposant des mêmes statuts juridiques (CIF, COA). L'image des grandes institutions s'étant écornée avec les diverses crises financières passées, les flux d'épargne se sont peu à peu réorientés vers ces autres acteurs. Mais en France, le secteur est particulièrement léthargique et Internet n'a pas apporté toute l'innovation qu'il a pu amener dans d'autres secteurs. L'innovation, au fil du temps, a toujours un impact majeur : la baisse du prix des biens ou services pour le consommateur final. Corollaire de cette baisse de coût, une concentration des acteurs, puisqu'il faut plus de clients pour compenser la baisse de revenus. Or en France, dans la distribution financière, cet impact n'est pas arrivé, ou à la marge seulement. En effet, le nombre de distributeurs est toujours aussi important (environ 6000 CGP) et le coût des solutions de placement également. L'innovation a clairement déserté le terrain de la distribution financière. Pour comprendre cette situation, il nous faut regarder ce qu'il s'est passé outre-Atlantique.
L'Américain !
Après la crise de 2008, la confiance dans les banques qui géraient une grande partie de l'épargne s'est rapidement éteinte, et les flux d'épargne ont été massivement réorientés vers les trackers ou ETF. Pour bien comprendre ce phénomène, il convient de faire appel à deux informations majeures :
- La recherche big data sur l'efficacité de la gestion humaine des fonds par rapport à une gestion automatisée. Toutes les études convergent et plus de 90% des fonds actions gérés activement sont moins performants que les indices à une échéance de 8 ans ou plus. Plus cette échéance est tardive, moins la gestion humaine devient efficace. Dès lors, pourquoi payer des gestionnaires pour faire un travail moins efficace ? A fortiori si ces gestionnaires sont responsables de troubles financiers importants…
- La gestion de l'épargne salariale, principalement intermédiée par les entreprises via les comptes épargne retraite (type 401k). En effet, pour les entreprises, pouvoir proposer un placement performant à long terme est un argument supplémentaire d'importance pour attirer et fidéliser les talents. Et c'est le seul intérêt de l'entreprise, qui n'y voit pas une manière de gagner plus d'argent !
Ces deux éléments expliquent, à eux seuls, pourquoi cette "révolution" de la gestion passive a eu lieu aux États-Unis mais pas encore en France.
Baguette et fromage !
Du coup, revenons chez nous pour mieux comprendre. Ici, les intermédiaires de l'épargne sont soit de grandes institutions financières, soit des "indépendants" (CGP). Ces deux types d'acteurs dépendent des commissions perçues lors de la vente de produits financiers pour vivre. Et n'ont donc que peu d'intérêt à transmettre la bonne parole quant à l'efficacité de la gestion passive par rapport à la gestion active, puisque la conséquence serait une baisse voire une disparition de cette rémunération indirecte pas toujours très transparente. Conséquence de ce lien de dépendance entre les solutions de placement proposées et la rémunération : rien ne change, ou très lentement.
Mais quelques acteurs entendent tout de même importer ces innovations (la gestion passive) des USA. Cependant, il faudra attendre encore quelques années avant que la différence se fasse ressentir pour l'investisseur. De son coté, l'investisseur pas forcément très averti sur ces sujets, ne fera pas la différence entre ces deux placements, les frais étant intégrés à de nombreuses autres informations que l'intermédiaire lui présentera.
Autre effet néfaste du conflit d'intérêt sous-jacent à la rémunération de l'activité de conseil en gestion de patrimoine : une analyse des placements proposés aux clients très superficielle et basée sur le discours commercial des sociétés de gestion gérant les placements. Doublée d'une focalisation sur le rendement passé (et pas à long terme). Et à la clé des "scandales" tels que ceux des fonds H2O. Au-delà de leur nom un peu aguicheur, ces fonds gérés par une filiale de Natixis et distribués par les CGP étaient en tête du classement des fonds proposés aux clients durant plusieurs mois voire plusieurs années. Et pour cause, leur rendement les années précédentes avait été très important. Jusqu'à ce qu'une enquête du Financial Times mette en lumière une part non négligeable au sein des fonds d'actifs non cotés gérés par un entrepreneur allemand pour le moins sulfureux, que les fonds soient gelés (entendez, impossible de récupérer son argent) et que leur valorisation soit fortement dégradée. À ce jour, les investisseurs n'ont toujours pas accès aux liquidités gelées relatives à ces investissements.
Voici donc pour le premier enjeu : la baisse des coûts et l'augmentation de la transparence dans la distribution de placements financiers.
2. L'orientation de l'épargne
Passons maintenant au second enjeu, probablement encore plus important : orienter les flux d'épargne vers les secteurs/entreprises qui permettront (ou pas !) d'effectuer notre transition énergétique et même civilisationnelle. Avec un mot d'ordre : décarbonation de notre système économique. Et la tâche est gigantesque, d'autant plus que le temps nous est compté.
Regarder sous le capot !
Là encore, de nombreux progrès sont à réaliser. En France, 3 labels distinguent aujourd'hui les fonds d'investissement à impact positif (ISR, Greenfin et Finansol). Mais ces labels sont un peu l'arbre qui cache la forêt, et participent encore un peu plus à rendre opaque le fonctionnement du monde financier une fois que l'on a confié son épargne à un intermédiaire. Leur fonctionnement, très administratif, part d'une bonne intention mais qui ne vient pas changer les règles de fonctionnement d'un fonds d'investissement. Ils viennent simplement ajouter des contraintes supplémentaires, mais pas trop contraignantes quand même pour que le fonds puisse fonctionner selon ces mêmes anciennes règles.
Il en résulte un choix d'entreprises assez tiède dans lesquelles l'argent collecté par le fonds est investi, et finalement assez peu utiles pour la création du monde de demain. On peut même y trouver des aberrations … Pour celui qui va chercher l'information sur la composition du fonds, pas de quoi être rassuré par ces labels en fermant les yeux, même lorsque l'on investit dans des contrats censés être alignés sur l'accord de Paris.
Le problème est bien là. En créant des labels dont l'objectif est d'éviter à l'épargnant (parfois même à l'intermédiaire) de rentrer dans le détail, on ne favorise ni la transparence déjà évoquée ci-dessus, ni l'utilité sociétale des fonds placés. Si vous ajoutez à cela l'argument publicitaire que les intermédiaires peuvent utiliser, vous arrivez à une forme de désinformation à des fins commerciales, encore une fois plus à même de saper la confiance dans le système financier, à y voir un problème plutôt qu'une solution potentielle. Et une désincitation à comprendre ce fonctionnement et à agir efficacement avec son épargne.
Deux problèmes, une solution
Le bon côté, s'il y en a un, c'est qu'à ces deux enjeux majeurs, une solution peut y répondre. C'est l'éducation financière. Le système financier est complexe et il faut être assez motivé pour essayer de le comprendre, même partiellement. Hasard du calendrier, l'intérêt pour l'éducation financière n'a jamais été aussi important en France. Plutôt que de laisser un tiers (intermédiaire) proposer ou faire des choix presque à notre place, l'éducation financière peut permettre de faire ses propres choix grâce à des outils mis à disposition sur Internet.
Internet est une formidable source de savoir. Il faut simplement savoir quoi chercher et où chercher. Nous voyons dans l'appétence de plus en plus forte des jeunes générations pour l'éducation financière couplée aux ressources accessibles sur Internet un double effet permettant l'innovation qui n'a pas encore eu lieu dans la distribution financière en France. Et par la même occasion, une réponse aux deux enjeux étudiés précédemment. Il faut par contre supplanter les très nombreuses données partielles, partiales et biaisées à des fins commerciales, pour des données factuelles, parfois complexes mais transparentes. Elles donneront à la fois plus de confiance dans le système financier, permettront de choisir ses supports de placements afin d'en limiter les frais et également d'orienter ses flux d'épargne de manière cohérente avec notre sensibilité citoyenne par rapport aux enjeux planétaires.
Pour ce faire, il faut initier à la complexité. Prendre à rebours les efforts faits pour simplifier (qui malheureusement sont souvent synonymes de manque de transparence et d'exactitude) et faire en sorte que le public intéressé s'empare de ces sujets complexes pour agir en cohérence avec leurs aspirations et en maîtrise. À l'instar de tous les sujets cruciaux de notre époque qui nécessitent que l'on en devienne responsables et non plus que l'on se repose sur “l'expertise” de tiers.
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